29 juillet 2021
Faux départ.
J'angoisse. J'angoisse de constater que je suis encore dans le pétrin. J'angoisse mes extases. Je tremble face à chaque jour qui se déroule parfaitement bien. Je subis l'agréable. Je tolère difficilement le bien-être. J'ai le diaphragme qui se crampe à chaque rire de bon coeur. Je souffre d'aller bien, de temps à autres. Je me cramponne au vide. Il n'y a que lui qui s'esquisse lorsqu'on prononce demain. Je suis sans voix. Je parle pour ne rien dire, j'écoute pour ne rien entendre, je casse pour ne rien rompre. Je tue le temps pour ne pas me tuer d'ennui. Pour ne pas perdre, ne pas perdre pied. J'adhère. Je colle au sol, on me colle aux basques, je décolle vite, je m'envole loin, j'atterris mal. Encore une course ratée, je ne suis pas faite pour le marathon. Je m'obstine à poursuivre, à ne pas dérailler, alors que les rides s'installent dans ma peau de chagrin.
28 juillet 2021
Un jour de répit pour la fête.
C'est ton présent ?
J'ai relu hier soir notre première dispute. C'était douloureux comm une rage de dents. C'était le 5 avril 2018. C'était déjà si tôt. C'était déjà la même chose. Tu vomissais de haine que je ne t'aime plus. Tu m'as parlé comme à de la merde.
Tu
As
Eu
Tord.
As-tu aimé quelqu'un qui t'ignore, qui te ment, qui te recouvre de silence ?
As-tu respiré mon haleine quand je crachais les derniers moceaux de toi ? As-tu été assis à côté de moi, ce soir, où tu m'as dit au téléphone, ivre et vulgaire : "non je ne vais pas venir, Polina, vaut mieux pas" ? C'était toi qui a vendangé mes cernes, ce soir-là ?
Je pleure.
et si tes yeux passent par ces lignes sache que je meurs chaque matin avec tes SMS, et chaque nuit sans tes baisers.
Tu m'as rendue inexistante.
J'ai vingt-neuf ans et je voudrais mourir demain au pied de l'immeuble où l'on faisait l'amour, où je te criais dessus, où il y avait encore des battements d'ailes, où je n'étais pas certaine de me relever demain.
Je vomis. Je vomis notre monde. Je vomis ta honte. Je vrombis ma ronde. Je ne serai plus là demain. Je me sens désolée. Tu m'as désossée.
On mangera les restes,
À chacun sa faim.
26 juillet 2021
Cent ans de solitude.
La maison baigna dans l'amour. Aureliano l'exprima en poèmes sans début ni fin. Il les rédigeait sur les parchemins rugueux dont Melquiades lui faisait cadeau, sur les cloisons des bains, sur la peau de ses bras, et partout, transfigurée, apparaissait Remedios : Remedios dans l'atmosphère soporifique de deux heures de l'après midi, Remedios dans la respiration feutrée des roses, Remedios dans le secret clepsydre des perce-bois, Reme dios dans la vapeur du bain à l'aube, Remedios de toutes parts et Remedios à jamais. Rebecca attendait l'amour vers quatre heures de l'après-midi, brodant près de la fenêtre. Elle savait que la mule du courrier ne passait que tous les quinze jours mais elle ne cessait de l'attendre, persuadée qu'un jour ou l'autre, elle allait arriver par erreur. C'est tout le contraire qui se produisit : une fois, la mule ne vint pas à la date prévue. Folle de désespoir, Rebecca se leva au milieu de la nuit et s'en alla au jardin manger des poignées de terre avec avidité, à s'en faire mourir, pleurant de douleur et de rage, mastiquant la chair tendre des vers et se brisant les molaires sur les coquilles d'escargots. Elle vomit jusqu'au petit matin. Elle sombra dans un état de prostration fébrile, perdit connaissance et son cœur s'épancha en divagations sans pudeur. Ursula, scandalisée, força la serrure de la mal lette et trouva tout au fond, nouées de faveurs couleur de rose, les seize lettres parfumées, les squelettes de feuilles et de pétales conservés dans de vieux livres et les papillons naturalisés qui, au premier contact, se changè rent en poussière.
Gabriel Garcia Marquez - Cent ans de solitude
05 juillet 2021
Le plus grave des cancers.
Elles sont arc-en-ciel toutes nos photos...
Mes chemises à fleurs, tes yeux bleus, la verdure de la Corse, la serre aux papillons avec les queues de chat fushias, ta peau rouge, mon sourire jaune, ton regard noir, le ciel gris de Vienne, les peintures dorées de Klimt, la peinture argentée des caravanes, les lumières qui scintillent jusqu'à l'aube, tes souvenirs qui clignottent dans le rétroviseur de ma vie.
Tu as l'âge que tu as et moi je me sens sans années, molle et malléable au gré des belles paroles et des soirées trop longues. Comme si le temps se déformait et que je ne pouvais plus me greffer sur une des courbes qui m'emmènerait quelque part dans le futur. C'est sinusoïdal, comme tu disais.
Et je te lis chaque jour.
04 juillet 2021
Vendredi sale.
Je marche rue Tourtille.
Mon sac me déséquilibre.
Il n'y a pas de voitures, les terrasses de cafés dégoulinent sur les pavés,
les enseignes graffitées se répondent en couleurs, et le soleil joue à cache-cache dans les reflets des baies vitrées.
J'ai les aisselles moites, je mâche mon chewing-gum en entrouvrant la bouche un peu comme une pétasse des années 2000. Je me sens insolente, exténuée, au bout du rouleau.
Mes lunettes de soleil aux verres fumés ajoutent un peu de gaieté à la puanteur parisienne de ce vendredi soir.
Ça sent la bouffe chinoise, mes pieds couinent dans mes Converse, mon utérus s'effrite à l'unisson avec mon humeur.
Je marche en quête d'une bière, d'un baiser sur la joue, d'une main sur ma hanche.
J'attends un message de cette nana, en attendant j'en envoie mille autres, à ces autres personnes qui me frôlent, me bercent, me baisent, me font respirer.
* * *
J'ai embrassé une douzaine de shoots ce soir-là. Ravagée, étalée, les pensées écartelées. Ma dignité en vrac dans la cuisine d'Ivry, ma cervelle en lambeaux dans mon crâne, encore ivre, morte de rire d'être encore en vie. D'avoir autant aimé et détesté cette semaine à la fois. Les montagnes russes. Sûrement le changement de dosage des médicaments. Ou un début de burn-out. Ou une miette de bonheur, qui s'est glissée entre deux incisives de la vie.
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