28 février 2018

Attachement de cheveux.

   Je n'ai pas oublié de te le dire. C'est simplement que je n'en voyais pas l'intérêt rationnel. Tu es venue il y a un mois et demi et quand tu as franchi la porte blindée y'a un truc qui s'est déblindé dans mon ventre. Je ne me souvenais pas que tu était plus grande que moi, que ta peau était aussi fraîche, tes jambes aussi fines. Habillée de couleurs d'automne, tu m'as expliqué que tu vivais en collants. Cela m'est resté. Tes cheveux ont cette couleur particulière qu'ont les platanes dans le Sud de France au début du mois de novembre. Cela me rend complètement dingue des coïncidences de ce monde quand je resonge au fait que tu es née le vingt sept juillet. Lui aussi me parle sans cesse de coïncidences, de signes... Je crois qu'il s'agit de tous ces petits éléments fous et sensibles que moi j'appelle tout simplement bonheur. 
   Il y a des instants de ces deux soirées que j'ai oubliés et cela froisse mon coeur comme une peau d'orange. Je me rappelle de nos maladresses mutuelles, de nos sourires un peu émus, un peu tremblants, de toi qui cendre dans le verre, de moi qui fait tomber quelque chose, de toi qui m'offre un petit cadeau, de la chaleur de ta joue, des détails sur nos quotidiens, des noms de tes colocs, de nos vies belles et blasées.
   Je t'imagine encore en plein milieu de la route avec ton sac en papier qui se déchire. Tu devais avoir l'air tellement désemparée, tellement ridicule, si attendrissante... Mille années que je n'étais pas allée en boite, avec une inconnue, tout sourire, en m'isolant de mes potes comme si j'étais en Alaska. Le temps a filé plus vite que le maillot jaune du Tour de France à la ligne d'arrivée. Il y a eu les dizaines de verres, les dizaines de photos, les tags dans les WC, les histoires de vie, l'odeur de tes cheveux, la file d'attente pour les toilettes, la musique envoûtante, ta disparition momentanée, Vera, le poppers, mes paumes se faufilant sur tes hanches et ta poitrine dans la foule, mon envie de toi ; tu m’impressionnais tellement avec le moindre de tes sourires. On nous a virées alors même que la soirée n'avait pas commencé. Nous avions l’impression que les huit heures passées à La Station ont été l'affaire de quelques dizaines de minutes. Rentrées en Uber, qui fila à travers tout Paris sans me laisser le moindre souvenir.
   J'ai besoin de me remémorer des détails qui parsemèrent ce week-end, car un jour je vais les oublier et je pourrai revenir lire ces phrases pour me rappeler de la fin de semaine la plus bouclée de ma vie.
   Je ne saurais juger à quel point on était ivres en rentrant. Tu t'es lancée dans la confection d'un succulent plat à base de pâtes et de brocolis. Je n'ai d'ailleurs jamais vu quelqu'un cuire des brocolis aussi longtemps. L'odeur s'était répandue dans tous mes vêtements et des jours après je sentais encore le brocoli cuit en pensant à toi. Tu avais mis Anne Sylvestre et tu mélangeais les pâtes avec la mixture verte qui résulta de tes efforts et je regardais tes fines mains effectuer les plus beaux gestes de cuisine qu'il m'a été donné de voir. J'étais émue à vouloir en pleurer. Et puis, après avoir sans doute mangé, on a regardé les étoiles dans le ciel gris jusqu'à midi en s'enlaçant dans notre sommeil.

   Le matin, c'était déjà la nuit. Tu as étalé des clémentines partout sur mes gambettes et c'était vraiment très beau. J'ai balancé leur pelure partout à travers mes 16 mètres carrés. On a réussi à s'échapper faire quelque chose des dernières heures qui nous restaient ensemble. On a mangé japonnais devant un film japonnais, dans une petite salle de cinéma indépendante où nous étions trois. Durant tout le film, je pensais très fort à ton épaule qui s'insérait dans mon dos : c'était à la fois un peu inconfortable et tout à fait agréable comme sensation. C'est durant ce moment là que j'ai le plus eu envie de t'embrasser, de te serrer fort dans mes bras. Mais j'avais peur de rater le film, sous-titré en japonais, que je peinais à lire sans mes lunettes, que j'avais encore perdues ce soir là.

   On a dormi main dans la main et je sentais ta nuque en me rappelant de quand on avait fait l'amour et cela me faisait sourire en m'endormant. En t'ayant dit au revoir le matin j'ai cru avoir raté quelque chose. Peut-être n'aurais pas dû te faire la bise ? Peut-être aurais-je dû te réveiller plus tôt dimanche et aller te promener au Jardin des plantes ? Peut-être aurais-je dû te dire de ne pas venir ? J'ai pourtant l’impression d'avoir réussi à passer un de mes plus heureux week-ends depuis des mois. Le lendemain soir j'ai bu ma première bière avec A, comme si les beaux maillons d'une chaîne devaient se suivre sans laisser place aux moments qui n'ont pas d'intérêt.


   Tu te souviens ? Tu avais une clémentine calcifiée dans ton sac. Je m'étonnais du fait qu'elle n'avait pas moisi. Elle n'a toujours pas pourri, elle trône discrètement sur l'une de mes étagères. A chaque fois que je promène mes doigts sur son rugueux épiderme orange je pense à un peu toi.




J'aime les gens qui doutent
Les gens qui trop écoutent
Leur cœur se balancer
J'aime les gens qui disent
Et qui se contredisent
Et sans se dénoncer

J'aime les gens qui tremblent
Que parfois ils nous semblent
Capables de juger
J'aime les gens qui passent
Moitié dans leurs godasses
Et moitié à côté

J'aime leur petite chanson
Même s'ils passent pour des cons

J'aime ceux qui paniquent
Ceux qui sont pas logiques
Enfin, pas "comme il faut"
Ceux qui, avec leurs chaînes
Pour pas que ça nous gêne
Font un bruit de grelot

Ceux qui n'auront pas honte
De n'être au bout du compte
Que des ratés du cœur
Pour n'avoir pas su dire :
"Délivrez-nous du pire
Et gardez le meilleur"

J'aime leur petite chanson
Même s'ils passent pour des cons

J'aime les gens qui n'osent
S'approprier les choses
Encore moins les gens
Ceux qui veulent bien n'être
Qu'une simple fenêtre
Pour les yeux des enfants

Ceux qui sans oriflamme
Et daltoniens de l'âme
Ignorent les couleurs
Ceux qui sont assez poires
Pour que jamais l'histoire
Leur rende les honneurs

J'aime leur petite chanson
Même s'ils passent pour des cons

J'aime les gens qui doutent
Mais voudraient qu'on leur foute
La paix de temps en temps
Et qu'on ne les malmène
Jamais quand ils promènent
Leurs automnes au printemps

Qu'on leur dise que l'âme
Fait de plus belles flammes
Que tous ces tristes culs
Et qu'on les remercie
Qu'on leur dise, on leur crie :
"Merci d'avoir vécu

Merci pour la tendresse
Et tant pis pour vos fesses
Qui ont fait ce qu'elles ont pu"

02 février 2018

Souviens toi

   J'en ai pas fait depuis que je n'ai plus eu à me sentir seule. Ils ne sont pas là. Ces gens : qui embrayent l'engrenage de la journée, celle qui commence quand tant finissent. J'arrive à. Controler. Mon angoisse, mes émotions, mon paraitre, l'alcool. Tous est à mes pieds, à genoux, Et je le ressens jusque dans les orteils, jusque dans mes alvéoles pulmonaires, jusqu'à l'odeur de mes pointes de cheveux, fauchées.
   Je n'y arrive plus trop. Ais-je envie ? Ais-je la force, la foi, la patience ? Pourquoi je dois me laisser emporter par les mille rangées de gens, par les mille rangées de jambes, par les cent mille petits poils qui sévissent en cohabitation sur ton visage, par les doigts qui me frolent le dos, chaque soir, par les bouches qui m'expirent le bel-être de ces instants qu'on partage ensemble, par les sourires concis qui dévoilent la jaunisse de tant d'années de tabassages de la vie qui ne fait que nous titiller de ses pointes de pieds. Pourquoi pas se laisser gésir dans le gosier moite de cette fluctuante pastille de pépites de joies qui se consume si vite sous la langue, sur n'importe quelle langue, dans n'importe quelle bouche, n'importe où que tu sois que je sois que nous sommes
Dépendants de ces envies qui nous enlassent et qui font
qu'on s'embrasse
Qu'on se lasse,
Qu'on se casse
La gueule - les couilles - d'ici
De cette crasse
Où l'on s'embourbe
Si tendrement.