22 novembre 2019

Anima.

LARUS DELAWARENSIS

Le fleuve glissait dans son vêtement de khôl, la glace en plaques cadenassait sa puissance. Il était dans sa lenteur et nous dans sa fraîcheur. Là-haut, nous tournions en rond. Nous étions affamés et le ciel, tout autant que nos cris, ne nous rassasiait plus depuis longtemps. Il nous fallait de la chair et les humains sont impossibles à dévorer. Nous tournions en rond, sur le point de nous entredéchirer quand nous l'avons aperçu. Ils marchait, tête nue, le long du monumental pont métallique, indifférent à la violence du paysage, sans jamais regarder dans la profondeur, sans marquer le moindre arrêt. Nous voyons parfois des humains se jeter dans le vide, s'émiettant à la surface de l'eau, et se dissolvant dans la gueule du fleuve. Il était de ceux-là. Tous, nous avons cru à sa chute, mais il n'a pas marqué la moindre hésitation. Il refusait la mort. Il était puissant, infaillible et, mettant un pied l'un devant l'autre, il est arrivé à l'extrémité du pont avant de s'engager dans une des bretelles de l'autoroute, sourd aux klaxons des machines qui le frôlaient à une vitesse qui dépasse notre entendement. 

Wajdi Mouawad, Anima

06 novembre 2019

Loin du coeur.

Qu'écrit-on à quelqu'un qui est en prison ?