30 avril 2021

Les collines.

J'aimerais me réveiller entourée de tes bras sans avoir à sauter du lit au retentissement du réveil. J'aimerais sentir ton sexe chaud gonfler dans la paume de ma main et tes poils s'hérisser, être chatouillée par ton haleine.

Tu m'as murmuré des merveilles ces dernières semaines, on a dansé comme des oursons gavés de miel, tu me couvais de tes yeux perçants et je me lovais dans ta tendresse.

Et puis il y a eu une nouvelle tempête. Une tempête où je n'ai pas ma place, où tu mets entre nous un écran déformant, où tu n'a plus aucune énergie à dépenser pour qu'on se comprenne. J'essaie tout ce qui est en mon pouvoir : la compréhension, le silence, l'inquiétude, le reproche, la distance, le déni... Mais aucun de ces parapluies ne m'abrite de ton absence. Rien ne me couvre comme ton attention, comme tes épaules. J'aimerais pouvoir trouver de quoi me couvrir, en attendant que tes nuages se dispersent, en attendant que nos mots s'entrelacent à nouveau, en attendant que nos corps se pressent l'un contre l'autre. Mais il n'y a rien qui me sied autant que ce que tu m'inspires et ce que tu me donnes quand tes yeux sont des soleils. 

Tu redoutais ton départ, je le vivais sereinement et maintenant c'est moi qui hurle de peur que tu me délaisses pour des bras ou des sourires qui ne te rassasieront jamais plus que les miens. J'aurais voulu caresser ton dos ce soir pour te le rappeler. Pour te rappeler le choix qu'on a fait tous les deux, consciemment, toi et moi : qu'on se veut l'un l'autre, et qu'il y a des obstacles qu'on franchirait mieux en se tenant la main qu'en se tournant le dos.

Je suis là, viens vers moi.

26 avril 2021

Слава к Богу.


Tu m'as donné l'amour des perles et de la géométrie. J'aimais te regarder arroser les plantes sur la fenêtre. Tu me faisais cligner des yeux trois demi fois et tu m'avais expliqué les règles du foot sur la petite télévision cathodique. J'aimais voir tes joues rosir lorsqu'aux repas tu buvais quelques vodkas ; tu n'as rien bu la dernière fois et la souffrance sur ton visage était à peine voilée par la joie et la fierté de me voir. Tu as toujours voulu un chat et mamie t'a toujours empêché d'en avoir un alors j'aimais me glisser contre toi pour que tu me fasses des câlins, que tu me pinces les joues et que tu étales ton large et agréable sourire devant mes yeux. J'aimais ta voix, même si la dernière fois elle grésillant plus que tes radios. La dernière fois, plus que toutes les autres je voulais que tu t'assoies près de moi sur le canapé pour te montrer les photos, mais même t'asseoir près de ta petite-fille te faisait souffrir, et mon petit coeur grinçant alors je riais plus fort, pour faire taire ta douleur et ma peine, et pour que tu te souviens de mon rire strident. J'ai grandi avec prudence et curiosité, comme tu me l'as appris, et je porte en moi les fruits de ta magnificence, jeune lionne que tu as formée à rugir haut et aimer fort.
Repose en paix, sans douleur, nous te gardons dans les battements de nos cœurs et dans l'ardeur de nos éclats de rires.

19 avril 2021

Elle se glisse.

 J'ai l'impression que la mort commence, petit à petit à se glisser dans ma vie. Cela me fait me sentir adulte. Aujourd'hui Micha est mort. Papa l'avait au téléphone tous les jours, alarmé, de plus en plus suffoquant et paniqué de ne plus pouvoir respirer. Il a succombé à la pneumonie ce soir. Cela doit faire le même effet que de tomber d'une falaise dans la mer, de perdre son meilleur ami. Je ne me souviens que très peu de Micha, mais je me souviens très bien des week-ends que mon père passait avec lui, à la chasse, à la banya, à la datcha, ou dans la forêt. 

Je sens la solitude de papa d'ici, et je n'ai pas les mots pour lui tenir compagnie.

Fille fantôme, fille indigne...

18 avril 2021

Dominicales.

 J'aime bien les dimanches.

Durant de longues années, j'ai usé mes samedis soirs à sortir lustrer de mes semelles les pavés délabrés des caves résonnant aux rythme de basses techno, à glisser sur la sueur des parterres de salles de concert, à m'arroser l'estomac de liquides enivrants et tapisser mes poumons de nicotine. Je m'endormais dans des bras ou dans ma couette lorsque le soleil dominical pointait le bout de ses rayons et qu'on entendait gosiller les moineaux sur les lampadaires près de s'éteindre.

Le dimanche était alors synonyme de décuve, de pâteuse, de mal de crâne, de brunch à 16h et de pyjama.

C'était il y a un peu longtemps.

Depuis quelques temps, le dimanche est devenu une journée douce et complète, je me réveille avant 11h avec le sentiment de m'être reposée, mon haleine est douce, mes membres ne sont pas engourdis, mes cernes sont en vacances. Je ne suis en retard nulle part, je n'ai pas de trous de mémoire, mes cheveux sont propres, j'ai de l'énergie pour franchir ma porte d'entrée.

J'aime les dimanches : lorsque je prends le métro pour aller quelque part, je ne suis pas rivée les yeux au sol à cause d'une ivresse trop voyante ; je scrute les gens. J'aime observer ces femmes allant à un déjeuner accompagnées d'une tarte ou d'un bouquet de fleurs, de voir des petites tribus familiales se promener nonchalamment au parc, d'apercevoir les gens lire assis face aux rayons de soleil. 

J'ai le sentiment que ma semaine a rallongé d'un jour, d'une grosse poignée d'heures où je peux trouver de l'apaisement, du plaisir et du réconfort. Ca contrebalance un peu le fait que je travaille, désormais.