27 mai 2021

Vingt pieds sous terre.

L'apaisement.
La jubilation que c'est, d'être en bas
Sentir vrombir Paris, écouter battre son cœur, suivre aveuglement ses baskets
Rentrer et ne pas compter avec angoisse les gouttes qu'on prend, qui fort dormir, qui font front.
Accueillir demain avec conviction et non résignation

Sentir bouillir quelque chose, là, vers les poignets, entre les fesses, dans les sinus.
Ne rien chercher ;
Suivre, reconnaître, marquer, lire, se délivrer
Faire dix mille pas, sans broncher, sans parler
Faire confiance
Laisser s'infiltrer les doutes dans la pierre calcaire
Entendre des voix, leur répondre
Chuchoter qu'on aime, chucotter qu'on a peur, sentir qu'on est fatigué, crier qu'on kiffe

Gueuler sur le monde
Sous le monde
S'en créer un, roche par roche, bloc par bloc, boueux et enivrant

Se remémorer ses sens, se les déboussoler,
Fermer les yeux, ouvrir les pores, connecter les oreilles, partager les complicités
S'en foutre.

S'en foutre d'aujourd'hui, de demain, de hier, s'en foutre plein les yeux, plein les poumons, plein le coeur.

Se remplir
Tout vider

Recommencer, doucement.
À respirer sans s'essouffler.

19 mai 2021

Tempête.

Tu as disparu de ma vie comme disparaissent les navires dans la tempête. Ton corps bariolé, tes joues hirsutes, tes bras rêches et ta peau rougie se sont fait happer par une eau sombre et froide, une eau où je n'ai pas choisi de plonger. Te voir, sur mon écran de smartphone m'émeut tant que je voudrais broyer tous nos souvenirs, les émietter et les foutre dans le caniveau le plus éloigné de ma fenêtre. Le souvenir de la sensation palpitante et intense qui se réveillait entre mes omoplates, le long de ma nuque, lorsque tes bras m'enveloppaient comme de grandes vagues me coupe le souffle. Je jette des larmes sur mon coussin comme des petits couteaux que j'aurais envie d'enfoncer sous tes ongles, sous mes tendons, comme si je pouvais éventrer avec mon mal-être, tout ton mal-amour qui me brise la gorge sous l'effet de l'émotion trop vive. Et tu existes si fort sous la pulpe de mes doigts, dans la commissure de mes lèvres, entre les plis de ma vulve, emmêlé dans les poils de mes aisselles, que je me sens morte de ton absence, vidée par ton naufrage, noyée de ton silence. Je jette des bouteilles à la mer en espérant qu'elles se brisent sur le sommet de ton crâne, car tu brises mon sommeil, ma respiration, ma confiance, tout mon être.
C'est toi qui a échoué et c'est moi qui suis réduite en épave. Le vent a soufflé, t'as mis les voiles et moi, je suis restés coincée dans le banc de sable. Je m'enrobe chaque jour un peu plus de ta fuite, comme une peau d'âne qui m'entrave chaque jour qui passe, qui m'ôter le désir de vouloir me lever le matin.

15 mai 2021

Les grains de sable.

J'ai le coeur effiloché, les côtes remplies de briques, dans ma tête : un caravansérail de tes doigts qui m'écrivent des messages falsifiés, de tes lèvres qui me formulent des mensonges. J'ai le souffle coupé de te voir quand je ferme les yeux, tu me les fais dégouliner, et je m'affaisse dans le creux vide que tu laisses dans le clic clac, je me raidis dans l'attente que ton souvenir passe. Je cloche, tout cloche, je titube à cloche-pied entre les souvenirs que tu laisses : tu es éparpillé partout dans mon téléphone, la poussière de tes sourires recouvre mon appartement, tes violents silences viennent se briser dans ma gorge à chaque respiration. Je creuse chaque soir un peu plus l'immense plaie que tu me laisses, je me voudrais fade plutot que si bouleversée par ta tempête. J'aurais préféré être ignorante de tes yeux, éloignée de ta peau, inconnue de ta bouche, plutôt qu'être bouffée de ton égo, raturée de tes angoisses, piétinée de ton existence. 
J'ai le vertige de me sentir si mal.

05 mai 2021

En ce sens.

Si ton absence m'apporte la paix, c'est que je ne t'ai pas perdu.

04 mai 2021

Et tu deviendras poussière.

Je sors d'une relation de trois ans et demi.
Elle s'est achevée aujourd'hui par message sur Facebook, car il n'a pas eu la classe de me le dire en face.

Vous le connaissez tous, il se nomme Adrian, il est drôle, il est beau, il est batteur, il a 40 ans. Il est maniaco-dépressif.
On est allés boire un verre le 22 janvier 2018, on est tombés amoureux et on ne s'est plus quittés.

On a vécu une idylle durant deux années. Des hauts et des bas. Des concerts par dizaines. Des nuits blanches à se disputer. On est partis en Corse. Je suis tombée enceinte. J'ai avorté. On est partis en tournée. J'ai rencontré sa grand-mère. Je l'ai assisté à son travail. Il m’a offert mille cadeaux. On s’est crié dessus. On a dansé jusqu’aux aurores. Il s’est tatoué mon prénom sur le coeur.
On s’est aimés à vous en dégouter.

L'année 2020 a été une tempête.
Il s’est fait virer de son taff et de son lieu de travail. Il est tombé en dépression. S’en est suivie une cascade de douloureux déchirements.
Il m'a posé des lapins, il m'a quittée plusieurs fois, il m'a insultée de tous les noms. Parfois, il ne me donnait pas de nouvelles pendant 72h, il me faisait des crises de jalousie violentes, il me faisait culpabiliser de voir mes amis, il m'ignorait parfois des journées entières par message, il me laissait chialer au téléphone sans rien me répondre. 
J'ai laissé passer.

Et puis, il y a eu la raison de tout ça.
Le soir de Noël 2020, qu'on passait en amoureux, il m'a annoncé qu'il me trompait depuis un an avec sa collègue de bureau, Majdouline. Le gouffre qui s’est formé dans mon cœur est indescriptible. J'ai hurlé toute ma douleur et je l'ai laissé passer la nuit près de moi car j'aurais pu me tuer si j'étais seule.
J’ai compris que j’avais passé l’année dans la trahison, le mensonge, la violence. J’ai appris que le soir, quand je pleurais d’inquiétude de savoir mon mec au fond du gouffre, il allait baiser sa collègue de bureau. Comme dans les films. Mais les films durent deux heures, et ma réalité a duré douze mois.
Trois jours après, mon papa a fait un AVC.

J’ai décidé de voir Majdouline pour entendre sa version des faits. On était deux femmes brisées par le même homme, après tout. J'ai appris qu'ils n'ont même pas pris soin de mettre des capotes. Elle m’a dit, les yeux baissés qu’elle n’avait pas osé lui poser la question.

J'ai laissé passer.
On a commencé à se revoir dès janvier, Adrian et moi. On a discuté. Longuement. Il m'a dit qu'il ne pouvait me laisser partir, que c'était moi et personne d'autre, qu'il voulait emménager avec moi et faire des enfants. Et puis, j'ai appris qu'il voyait toujours Majdouline. Alors je lui ai demandé de choisir, tout simplement, entre elle et moi. Il a fait son choix sans broncher et j'ai fait le mien : c'était nous deux, car j'y croyais aveuglément. J’avais ses promesses en otage.

Tout allait mieux. Un petit peu. Par vagues. 

*

Vendredi dernier, il y a quatre jours, c’était l’enterrement de mon grand-père, auquel je n’ai pas pu assister car c’était en Ukraine. Adrian en moi, on devait se retrouver le soir pour discuter, de lui, de nous, de tout. Je l'ai appelé au téléphone pour essayer d'entamer le dialogue et il m'a dit que je le "saoulais" car c'était toujours comme JE voulais dans notre relation, et que lui, il ne savait pas s'il avait envie de me voir.

On ne s'est pas vus du week-end. En revanche, il a revu Majdouline.
Majdouline qui m’avait promis de ne plus répondre à ses sollicitations, en février. Adrian qui m’avait promis de ne plus la voir.
Il m’a annoncé ça par message, cet après-midi. Quelle grande classe, à quarante ans, en 2021. Il a m’a écrit qu’il ne voulait pas avoir l'impression de faire quelque chose de mal en la voyant. Il m’a écrit qu’il voulait me rendre heureuse, mais qu’il n’y arrivait pas. Il m’a écrit qu’il était dévasté à l’idée de me savoir mal. 

Je les laisse s’étouffer avec leurs mensonges.

*

Je sors d'une relation de trois ans et demi.
Je suis mal. Et je regrette. Je regrette le temps perdu, l'amour donné, les larmes versées et les promesses crues. Je souffre de cette plaie depuis seize mois.
Depuis Noël, j'ai perdu 5 kilos, je suis sous anti-dépresseurs, sous Xanax, et je vois une psy. J’ai perdu la joie de vivre, j’ai perdu de vue tous mes objectifs personnels et professionnels, j’ai perdu totalement confiance en moi, en les autres.

Mais, moi, contrairement à lui, je n’aurai pas honte en me regardant le matin dans la glace.