J'avais tellement peur que cela arrive la semaine dernière, je me projetais : je me voyais pleurer ce balcon, pleurer ces immeubles, pleurer ses parcs. Et puis une semaine après ça arrive, pour de vrai.
Pourtant, c'est irréel de savoir qu'une bombe est tombée à 150 mètres de chez papa. Elle a pulvérisé tous les arbres du parc, a fait sauter les volets de son salon, a brisé les pots de plantes. Avec les voisins, ils ont ramassé les éclats d'obus, ce matin, papa en a gardé un "en souvenir".
La journée est passee et je ne sais pas si j'ai pas assez ou trop travaillé. Je me sens moite, je sens mauvais, j'ai mal au creux du ventre, je titube. Ma tête me fait mal comme une gueule de bois. Il fait beau dehors, depuis 10h du matin j'ai envie de prendre l'air et maintenant que je peux le faire je suis incapable de sortir chez moi.
Je suis dans mon lit, je ne fais rien. Comme si, le fait de ne pas quitter mon appartement pouvait faire cesser les bombardements. Au moins ceux de mon coeur, qui bombarde la chamade. C'est ça une crise d'angoisse, alors?
Ou ça s'appelle le vrai chagrin?
On me dit de
faire des achats compulsifs
manger un bon truc
voir des potes
Mais en vrai, comment fait-on pour vivre normalement lorsque les racines se font la guerre ?