Je suis partie
A dessein
Ta gorge moite
Contre mon sein
Je suis belle à croquer
Fais moi un dessin
Vert de terre et d'orages
Comme l'été recouvert de nuages
Je m'enrage
Tu t'arranges
Je m'arrache
Tu m'ensonges
Mes joues s'orangent contre ton lobe
Je pertinence tes flancs exquis
Je perds le sens de c'que tu dis
Étoile filante dans un cirque
Tissant les constellations propres
Que tu t'amuses à me montrer
Quand j'amenuise les doux leurres
Qui ondent le ciel de nos lundis.
Dis-moi
Dix mots
Dimanche
Dans si longtemps
Que tu seras argenté et moi striée ;
A nous deux la voie lactée
« On s’est souvent étonné du fait que tant de pensionnaires d’hôpitaux psychiatriques se mettaient subitement à dessiner, sans avoir généralement aucune formation artistique, et en faisant preuve parfois de dons insoupçonnés. Pour être exact, il faudrait dire qu’ils recommencent à dessiner, puisqu’ils ne font que renouer avec une activité enfantine universelle. Il ne s’agit donc jamais que d’une interruption de la pratique du dessin. Mais alors, ne devrait-on pas plutôt s’étonner de ce que cette interruption soit définitive chez les individus ‘normaux’ ? A-t-on seulement essayé d’expliquer le tarissement général de l’expression graphique vers l’age de douze ans dans les sociétés occidentales ? Ne serait-ce pas que l’activité plastique représente une ‘décharge libidinale’ incompatible avec notre mode de vie, et qu’elle appelle soit un encadrement culturel (par le ‘système des beaux arts’), soit un refoulement pur et simple ? C’est en quelque sorte la rançon que nous devrions payer pour acquérir le maniement de la pensée abstraite, la maîtrise technique, le rendement matériel, valeurs cardinales de notre civilisation. S’il en est ainsi, on s’étonnera moins que les individus marginaux, dont le dressage éducatif a raté, ou qui, par tempérament sont rebelles aux normes sociales, et qui sont désignés de ce fait comme anormaux – schizophrènes ou non – perpétuent ou redécouvrent une faculté d’invention sacrifiée par notre culture. La détention, plus particulièrement, est propice à la création imaginative. Elle est comparable à un demi-sommeil. Elle entraîne une désaffection sociale et un déclin du ‘principe de réalité’. Le monde ambiant cesse d’être envisagé dans un sens instrumental et laisse transparaître les investissements pulsionnels sur le fondement desquels il s’est originairement construit. »
Tu dormais profondément, et tes expirations s'entendaient déja depuis la salle de bain en me faisant vrombir les clavicules. J'ai rejoint ce lit où nous dormirions en glissant depuis mes vêtemements jusqu'à me froler à ta chaleur moelleuse et vibrante. Tu as bougé lorsque je t'ai caressé la joue comme on carresse l'écorce d'un platane lorsque l'on a huit ans et qu'on a l'impression d'avoir le roi des arbres sous ses doigts. Tu t'es remis dans ton paisible sommeil, comme on chasse une vilaine mouche qui dérange notre tranquilité, silencieusement.
Alors, j'ai glissé ma main sur le bas de ton dos et j'ai ressenti pour la première fois de ma vie le sens de l'expression "le creux des reins". J'ai frolé et broyé des dizaines de dos dans mes sommeils, dans mes envies et dans mes peines, et c'est un soir de grotte que je prends conscience de l'existence de ces deux valves discrètes qui ornent, de part et d'autres, voluptueusement, la chute de la colonne vertébrale. Ce son tes creux de reins que j'ai senti, avec fureur, pour la première fois de mon existence, contre la pulpe de mes doigts.
J'ai pris ta main gauche avachie contre le matelas et je l'ai plaquée contre mon sein. La figure que formaient les angles de tes phalanges contre la rondeur de ma poitrine faisaient une drole de sculpture d'amour, tendre et compliquée, comme le sont parfois les entremêlements de tes phrases accolées aux dernières lampées de vin sous la noirceur du ciel. Je sentais mon têton se froisser et se défroisser à l'idée de se faire réchauffer par la paume de ta main inconsciente, lourde et lasse, au rythme de la valse de tes sinus noueux. Je suis restée des minutes entières de bonheur à me dire qu'il faudrait que je me rappelle de cet instant alors je suis venue l'écrire ici.
Je relirai et tu reliras ces mots en pensant aux envies que j'ai de toi à chaque moment passé près de ton souffle, près de ta peau couverte du noir de tes t-shirts, du noir de tes angoisses, du noir de la nuit qui nous amène aux lendemains.
Tu dors et je t'entends encore.
Tu sens :
Le pamplemousse le houblon et la rosée
Couverture sur tes cils
Je ne veux pas être arrosée
Par nos vices à des miles
Vilaines mauves qui s'encastrent
À des bas plafonds disparus dans du béton
Suspendus
Le long des astres
Que l'on voit communément
Désastre
De notre existence qu'est le silence
Qui nous entoure
Loupe...
Sommes-nous loupés ?
Sommes-nous gueris
Par nos peines
Adossés
à nos aines
À nos années
Toi tes nombreuses
; À nos pensées
Si désireuses
De sommeil
De paiseur
De l'ampleur
Des bras de nos coeurs
Si las et si longs que sont nos heures sans nous-mêmes
Mon bonheur
Ma bonne heure
En rebroussant chemin depuis la dernière salle blanche sous les combles que je n'avais jamais vue, en redescendant les escaliers d'un noir muet s'étirant de toute la hauteur de la grange, en retraversant la première salle pour sortir j'ai eu un singulier pincement au coeur, aux tripes. Il provenait du sentiment que j'avais de savoir que ce serait la dernière fois du monde que je visite ce musée. Cet espace inquiétant et étrange qui m'a cisaillé d'un électrochoc esthétique la première fois, il y a neuf ans où j'y ai mis les pieds comme Alice dans la foret de son pays des Merveilles.
Il n'était plus aussi impressionnant qu'en 2009. Je suis plus grande, dans mes baskets et dans ma tête ; et la surface, les œuvres, le propos m'ont paru plus petits, amoindris par le poids de mon bagage culturel, par le poids de mes propres angoisses et frénésies. Tout comme mon amour, né lors de ma première visite pour l'art pur, la création brute n'est plus aussi prégnant qu'aujourd'hui. Comme le sentiment de l'amour qui m’exaltait avec violence et me faisait vibrer de toutes ses forces autrefois, m'apaise et me rassasie petit à petit désormais aujourd'hui.
Ce lieu cristallise le commencement et l'achèvement d'un parcours celui de mes études, celui de ma jeunesse, celui de certains de mes idéaux, celui de mes désirs.
Seulement deux cent pages me séparent de la fin, d'une fin, de peut-être la première fin de ma vie que je saurai pleinement mettre à profit du reste de ma vie.
Il y a des choses qu'on fait par amour, il y en a d'autres que l'on fait par amour de soi. Ce sont celles qui font fonctionner notre ultime volonté, vitale, au dernier instant avant le précipice. Ne pas pleurer, ne pas flancher, ne pas sauter. Faire un pas en arrière et scruter l'horizon des autres solutions.
On ressasse nos angoisses pour s'en tresser les lianes qui nous porteront de branches en branches, d'arbres en arbres, de forets et forets. On explore sa carte intérieure pour y puiser les ressources, les matériaux nécessaires à la survie, dénicher les failles aussi, et puis, pour voir de belles choses et s'en prendre plein la vue. Parfois aussi s'en prendre à soi. S'accrocher à soi. Au travers des autres, des autres souvenirs, autres étés, cigarettes et voyages au bout du monde. Mais c'est son propre monde que l'on n'explore jamais assez, jamais assez bien. Jamais trop.
Les brins du coucher de soleil s'entremêlent dans tes cheveux aux teintes d'écorce. La courbure de ton nez, ton menton, qui ressemblent si étrangement aux miens se détend et se crispe au tempo de tes voyages intérieurs, que tu me lâches en bribes, entre les passages que tu maîtrises déjà et ceux que tu ne comprends encore pas. Ton pas lourd, las, ne t'enlèvera jamais les milliers de kilomètres que tu as parcourus autour de la terre, autour de la Tour Eiffel et que tu continues à franchir, un peu plus difficilement au premier étage de ta chambre. Randonneuse de compète, tu iras là où tu souhaites atterrir, malgré les détours et les changements d'itinéraires. Le lourd sac d'émotions que tu portes contient de l'eau tarie qui s'évapore au soleil, lorsque tu marches, à ton rythme, jusqu’à ta prochaine destination. Tu arriveras légère, affranchie des entorses que tu t'es faite si souvent sur le chemin.
C'est un pélerinage, avec des paysages un peu moins beaux sur cette partie de la route, mais tu retrouveras vite toute la beauté du monde, la fraicheur des arbres auquels tu grimperas avec joie et agilité. Ton univers est inépuisable et t'as mis les pieds dans une région un peu arride, mais tu migres déjà vers d'autres belles contrées. Je te regarde, de près, de loin, et tu me restes toujours aussi admirable. Repose toi un petit peu, reprends des forces, la suite en vaut la chandelle.