02 août 2018

Bi-chat

   Il y a des choses qu'on fait par amour, il y en a d'autres que l'on fait par amour de soi. Ce sont celles qui font fonctionner notre ultime volonté, vitale, au dernier instant avant le précipice. Ne pas pleurer, ne pas flancher, ne pas sauter. Faire un pas en arrière et scruter l'horizon des autres solutions.
On ressasse nos angoisses pour s'en tresser les lianes qui nous porteront de branches en branches, d'arbres en arbres, de forets et forets. On explore sa carte intérieure pour y puiser les ressources, les matériaux nécessaires à la survie, dénicher les failles aussi, et puis, pour voir de belles choses et s'en prendre plein la vue. Parfois aussi s'en prendre à soi. S'accrocher à soi. Au travers des autres, des autres souvenirs, autres étés, cigarettes et voyages au bout du monde. Mais c'est son propre monde que l'on n'explore jamais assez, jamais assez bien. Jamais trop.
   Les brins du coucher de soleil s'entremêlent dans tes cheveux aux teintes d'écorce. La courbure de ton nez, ton menton, qui ressemblent si étrangement aux miens se détend et se crispe au tempo de tes voyages intérieurs, que tu me lâches en bribes, entre les passages que tu maîtrises déjà et ceux que tu ne comprends encore pas. Ton pas lourd, las, ne t'enlèvera jamais les milliers de kilomètres que tu as parcourus autour de la terre, autour de la Tour Eiffel et que tu continues à franchir, un peu plus difficilement au premier étage de ta chambre. Randonneuse de compète, tu iras là où tu souhaites atterrir, malgré les détours et les changements d'itinéraires. Le lourd sac d'émotions que tu portes contient de l'eau tarie qui s'évapore au soleil, lorsque tu marches, à ton rythme, jusqu’à ta prochaine destination. Tu arriveras légère, affranchie des entorses que tu t'es faite si souvent sur le chemin.
C'est un pélerinage, avec des paysages un peu moins beaux sur cette partie de la route, mais tu retrouveras vite toute la beauté du monde, la fraicheur des arbres auquels tu grimperas avec joie et agilité. Ton univers est inépuisable et t'as mis les pieds dans une région un peu arride, mais tu migres déjà vers d'autres belles contrées.
   Je te regarde, de près, de loin, et tu me restes toujours aussi admirable. Repose toi un petit peu, reprends des forces, la suite en vaut la chandelle.