Je suis comme ces petites bestioles qui rampent parterre à la campagne : égale aux milliers d'autres, insignifiante, apeurée par la grandeur du monde, préoccupée par le train-train quotidien. C'est difficile de trouver un chouette appartement à Paris, c'est difficile de se résoudre à y vivre. Si cela se trouve, je n'aurais pas dû vouloir tout ça.
J'ai sommeil à 21h15, est-ce la vieillesse, ou l'épuisement ? J'ai déjà dix-neuf ans, tout de même. Je me pose de plus en plus cette stupide question que tout le monde se pose un jour : pourquoi faire des études ? Pourquoi travailler ? Machin, bidule... J'ai des heures et des heures devant moi chaque jour et pourtant je les laisse s'enfuir et je ne les regrette que quand elles sont perdues. Les petites bestioles, elles, au moins, ne font pas attention aux aiguilles qui tournent. J'ai subitement envie d'écrire, mais je n'ai rien à raconter, même pas d'histoires fictives. Il y a des gens qui vont me manquer. Je me demande si les fourmis se manquent entre elles...
* * *
Fissures : une avalanche de ruelles
sur un mur crépi,
comme un violoniste qui rate sa note et nous déchire les oreilles
Les marchands de glaces n'en font pas autant, ils nous offrent la béatitude de la fraîcheur
comme une nouvelle seconde de vie
Et pourquoi savoir bien écrire si les choses sont revivables à perpétuité ?
Seconde après seconde
les murs se fissurent
on ne le voit jamais en direct
mais quand on revient dans un appartement depuis longtemps abandonné
on les voit par milliers comme si c'était l'oeuvre d'une araignée
qui essaierait de manger toute la poussière.
Et nous, le temps nous mange
Et nous, on mange quoi ?
Des débris du temps ; de la bile de notre vécu ; de belles images difficiles à digérer.
Un peu de tout.
C'est pour ça qu'à chaque fois qu'on pense, on a l'estomac lourd.