Je n'aime pas les mouettes. Par jalousie. Parce que ces bateaux ailés
vivent au dessus-de la mère, la bien-aimée matrice qui engloutit chaque
noyé de larmes entre ses cuisses moites et salées comme après un coït
sans le moindre reste d'amour. Elle finit par gober des milliers de
fous, qui ont chuté ivres morts de sentiments incontrôlables dans le
trou noir de leur cœur, si rongé déjà, au moment où ils ont découvert
leur existence. L'eau salée, douce et vicieuse les caresse de ses
habitants, si réconfortants : des algues, des petits poissons qui
tourbillonnent autour, quelques oursins qui chatouillent gentiment les
chevilles, des étoiles de mer qui font croire au ciel déjà tué à cause
des yeux pleins de sel, morts eux aussi. Les noyés vivent ainsi dans la
pénombre de la lave bleue, noire, gisante dans les intestins, le sexe,
les oreilles, entre les orteils, jusqu'à ce qu'elle s'infiltre enfin
dans la tête puis descende dans le cou, passe derrière les clavicules et
atteigne enfin notre petit moteur, qui freinera alors doucement sa
cadence pour ne faire qu'un avec les vagues. Et des années, des
centaines d'années plus tard il ne restera du noyé que quelques bouts de
marbre vivant, qui sera rejeté, par une forte tempête sur la plage. Les
mouettes, elles, sont au-dessus de tout ça.
Voilà, maintenant tu connais la véritable nature d'un coquillage.
Voilà, maintenant tu connais la véritable nature d'un coquillage.