Elle était détestable. La peau grasse, roussie par le soleil, une chevelure affolée, mal teinte en un blond beaucoup trop jaune pour paraître vraisemblable, des yeux marrons, presque noirs, un peu globuleux et surtout un peu trop fatigués. Entre ses doigts sales se lovait un petit bout de papier gris, avec quelques mots étrangers griffonnés d'une main surement gauche et maladroite. La sienne sans doute.
En face d'elle un homme, la quarantaine dépassée, un peu de sel dans les cheveux, une barbe d'une demi-douzaine de jours. Il regardait un peu ailleurs, par ci, par là, ses mains ridées cachées au fond des poches d'un jeans usé, par le temps et quelques traces de peinture verte. Un fatigué de la vie, comme tant d'autres. Il jeta un coup d'œil vers elle, s'attarda.
Elle releva la tête brusquement, comme il l'avait prévu. Elle lui sourit. Lui, gêné, regarda ailleurs. Car elle était détestable, avec ses cheveux faux, et sa peau luisante. Il resta donc, les poches remplies de ses propres doigts à parcourir des yeux l'espace qui l'entourait. Et elle, tripotait son bout de feuille froissé.
Personne ne s'en aperçût, car personne ne les observait mais ils avaient l'air bêtes, et même franchement cons tous les deux, à faire semblant de s'ignorer.
Elle se releva, rêveuse, lasse, et marcha vers on ne sait ou. Il la suivit.
Ils rentraient chez eux, dans leur appartement, loué la veille.
Ils étaient détestables. Mais heureux, à leur façon.