31 décembre 2010

La dernière danse avant des millénaires.

   Je crois savoir maintenant pourquoi je me retenais tant de pleurer. Parce que je n'aurais pas su si c'était de joie ou de désespoir. Camille criait, criait comme une aliénée, elle était rouge, saoule et belle, jouant avec son piercing à la langue. Son visage, par moments, frôlait le mien et ses yeux me pénétraient violemment l'âme. Derrière elle, Clara voltigeait au bout des doigts de Logan, comme une feuille tourbillonnée par le vent. Elle avait un tel sourire aux lèvres que ses yeux se réduisaient en deux fines fentes à travers lesquelles elle véhiculait à la pièce des relents de liberté. Lorsque j'étais petite, et que, comme toutes les filles du monde je rêvais de danser, je m'imaginais telle qu'elle était là, à quatre heures du matin, dans un appartement ne dépassant pas les 45m², belle, comme emportée par la musique et emportant tout sur son passage - ce qui lui valut des mains ensanglantées et à Julie quelques verres cassés. Cette dernière, la maitresse de maison - la plus jeune - du haut de ses dix sept ans avait comme toujours ses yeux pétillant, un verre à la main, elle riait à chaque fois que quelqu'un tombait sur le sol, à chaque fois qu'on renversait du whisky sur ses beaux canapés. Pilou était déjà plus ou moins agonisant, titubant à chaque pas, hoquetant à chaque parole de "Aline". Il était beau lui aussi, il avait son éternelle chemise verte à carreaux jaunes, qui n'a pas du voir de lessive depuis le mois d'octobre.
   Salah était venu cette fois-ci mais il manquait Christo. Comme si le destin faisait tout pour que nous ne soyons jamais réunis tous ensemble. Vers 4h49 Lucie a pris la sage décision de rentrer, avec moi. J'ai étreint tout le monde très fort avant de partir. Camille dormait déjà, recroquevillée sur la banquette. Je suis allée la voir en l'embrassant tendrement sur la joue et en lui disant qu'elle allait me manquer. Et elle m'a murmuré je t'aime.
   J'aurais tué pour ne pas leur dire "à l'année prochaine".