Certaines fois, elle s'est glisée dans ma vie familiale et amicale comme derrière des carreaux de verre fumé : je l'entrevoyais à peine. C'était la grande tante, le nourrisson de la cousine de cette amie, le meilleur ami de papa. C'étaient des gens que j'avais surtout vu en photo, dont le son de la voix m'échappait, qui ne me chérissaient pas en tant qu'individu. Quand ça a été grand-père, j'étais dans mon propre deuil, d'une toute autre nature, qui a flétri ma peine. Quand ce sont les mères des copains, on se projette, on compatit et puis on oublie vite, car c'est pas nous qui nous occupons de l'héritage et de la maison laissée vide.
Et puis là, en janvier, c'était plus proche. Le son de sa voix résonnait dans mon bureau, c'était cristallin et présent assez souvent pour que je m'en souvienne encore. Mais il n'était pas mon amour, il n'était pas mon ami, ni même mon parent, alors c'est un peu comme si ma tristesse était polie et conventionnelle. Ma tristesse est douce, et mes pensées sont claires, et j'éprouve presque du bien-être à ressentir tout cela.
Je ne la connais que de loin,
J'aimerais supporter la mort avec douceur.
Toutes celles à venir.