Elle est là. Elle vient de se planter là comme un bambou qui a germé et qui a déjà ses racides profondément enfoncées dans la terre. Elle est là, comme chaque année au printemps. Elle pousse dans la partie gauche de mon crâne, derrière l'oeil et respire au rythme de mes battements cardiaques comme les feuilles qui bougent au gré du vent. Elle ressemble un peu à celles qui arrivent après une énorme cuite, mais celles-ci se dissipent au bout d'un Doliprane et quelques heures. Les migranies, elles, s'installent dans les vaisseaux sanguins comme des parasites, et nidifient longtemps, parfois plusieurs jours. La nausée s'annonce et on oublie que manger ou regarder ce qui se passe autour de soi puisse apporter du plaisir. On chasse à grand peine les pensées de vouloir se jeter du balcon, pour s'assommer durant deux jours, le temps que ça passe. Le cerveau est comme attiré vers l'extérieur de la boîte crânienne par un aimant, qui se situerait sur la trajectoire de la planète Terre en mars et octobre... Je l'imagine ressemblant à un flocon d'avoine mis dans l'eau et bouffi par l'humidité.
Ce n'est presque pas comme de la douleur. C'est quelque chose qui se situe entre la plainte, l'usure, le gonflement... C'est pas une accalmie qu'on souhaite, mais une ablation, un étouffement. Il n'y a absolument rien qui puisse faire oublier sa présence et par moments on arrive à se concentrer sur ce qu'on doit faire - mais jamais ça ne disparaît, jamais l'étau ne se desserre. Ça dure des heures qui passent comme des semaines. Et quand enfin elle part, je me rappelle : c'est presque imperceptible car le corps a mis tellement d'énergie à survivre à cette constante torture que l'épuisement ne laisse que très peu de place au soulagement.
Bref, nous sommes bien au début du printemps.