24 février 2019

Lettre de fin d'amour

« Éli,
je voudrais fêter notre rupture.
Ma très chère personne préférée, je suis si heureuse que notre relation romantique ait été fermée d'un point virgule cet hiver. J'ai une vraie joie et une sincère bienveillance pour ce tournant de toi à moi. Je suis persuadée que c'était, au final, une jolie décision.
J'aime que nous soyons précieux l'un à l'autre sans les tourments du sentiment amoureux, qui faisaient un appel d'air entre mes poumons et un gouffre dans le fond de ma tête. Aimée et amoureuse, je perdais pied trop souvent à nos différences. J'enrageais de ne pas comprendre tes fonctionnements, je butais à ta logique, je pestais à mes impatiences. Je devenais colère, je buvais la tasse, je fumais fulminais et semais des bouts de chaos et d'injustice.
Il était né un petit territoire de la tristesse quelque part entre nous.
Évidemment, rien de très grave, rien de très alarmant, puisque nous savions toujours danser et que nous n'arrêtions jamais de parler. Mais tout de même. Il y avait une portion de route sacrément en pagaille, sacrément chamboulée.
Je voulais te dire comme je suis soulagée que notre carte de relation ait changé. Ne plus être ton amoureuse modifie légèrement nos points de rencontre, et déplace également les endroits de discorde.
Je trouve cela beau, Éli, je suis fière de nous, il y a vraiment quelque chose à fêter !
Tu m'as coincée contre le comptoir du café à l'instant parfait. Ce temps que l'on a eu ensemble s'est posé dans notre calendrier de vie de façon si naturelle. Je ne regrette rien de ces années. On a déroulé notre petite pelote de féminisme, de relation libre, de communication bienveillante, et purin ! Purin que c'était riche ! Comme c'était grand ! Comme c'était bien.
On peut imaginer que c'est ton coming-out de personne non-binaire qui nous a fait déraper, parce que le voyage de la transition a été sacrément douloureux et qu'on s'est cogné des mois intenses et durs à la tête.
Avec le recul, Éli, je crois que je peux le dire : c'est l'inverse. Toutes ces thématiques de transidentité t'ont certes mis bien à l'envers, m'ont certes mise à l'épreuve, mais ces semaines compliquées nous ont gardés ensemble. Je crois que sans ce coming-out, je t'aurai sans doute quitté plus tôt.
Il y avait quelque chose de plus grand que nous à tenir précieusement. Il y avait toi. Il y avait la place du genre dans notre société. Il y avait ta santé. Il fallait se serrer autour de toi, te garder le plus en vie possible, te donner tout le bon et le doux. Il fallait que tu ailles ton chemin intérieur, il fallait que je te veille, à cloche-pied, perdue que j'étais. C'était si important. Ce n'était même pas possible de faire différemment. On n'a pas fait ce choix en conscience.
Tu étais dans l'oeil de la tempête, c'était comme ça et pas autrement.
Je n'ai pas eu le temps de penser à moi dans notre relation.
Et je ne le regrette pas, Éli. Je suis si fière de t'avoir connu avec un prénom que j'ai oublié, avec des pronoms que je n'utilise plus, si fière de t'avoir regardé prendre les jours et les gens avec courage, si fière d'avoir été ton invitée. Et si souvent j'étais viscéralement terrorisée de ne pas être une alliée à la hauteur, aujourd'hui je crois pouvoir dire que ça a été, non ?
Tu as élargi les contours de ma vie.
Et cet hiver, je piétinais méchamment les pointillés de toi à moi.
Il était temps de me mettre en sourdine.
Il était temps de changer de cap.
Je n'aurai pas trouvé le calme.
Je t'aurai avalé tout cru.
Mais ici, dans la fin de notre relation romantique, il y a tant à jouer ! Il y a tant à fêter ! Chantons, dansons, soyons fiers !
On va pouvoir inventer un lien précieux de l'intime et du respect, de l'amitié et de l'expérience partagée, qui nous laisse vivre, qui nous laisse respirer, qui nous laisse créer des ailleurs, sans perdre les terres Louisélie.
Est-ce que ce n'est pas quelque chose de merveilleux à fêter, Éli ?
Je trouve que oui.
Je ne sais pas si tu es tristesse que je sois partie de Berlin, je ne sais pas si tu es encore amour pour moi, je ne sais pas si parfois tu ne m'en veux pas,
je crois que non mais je ne sais pas,
je voulais que toi tu saches
mon enthousiasme pour ce qui vient
ma gratitude pour ce qui a été
ma fierté pour notre lien.
Est-ce que ça te va ?
Loulou, ton tyran (j'espère) préféré.
 »

11 février 2019

Ver.

Je hais certaines soirées comme celle-ci.
Je hais le vide interstellaire de ma paresse de ma passivité de mon courage de mes ambitions,
Je déteste la vitesse à laquelle les minutes me rapellent mon inutilité
Je me sens nuisible insecte, chatte obèse, sac plastique embroché sur les branches d'un arbre.
Je prie depuis des heures pour avoir sommeil
Mais que je lise, que je pleure, que je me touche, que je bouffe ou que je scrolle twitter rien n'y fait.
L'inexistence de cette journée me tord telle un seprent qui vient de se faire arracher la tête
Je suis la flaque d'eau qui reste encore sur le bitume après deux jours de soleil,
Je suis le pot de yahourt mal terminé qui commence à dégager une odeur âpre.
Je suis impirtune, génante, flasque.
Il est 1h32 et ce que je voudrai faire demain ne se fera pas par manque de temps
Le temps de me dire que je peux, que je dois, que je vais.
Je piétine toutes mes envie avec mes pieds enflés
Je sens que même la nourriture ne veut pas s'affaisser dans mon oeusophage
Rien ni personne ne veut cotoyer le minable amas de peau que je suis
Je n'éprouve à mon égard qu'une viole te répugnance
Je ne pleurerai pas, ce serait trop d'apaisement à me donner
Je ne serai donc que le parasite qui se terre à ce deuxième étage

Jamais papillon.