18 octobre 2018

  Et quand je te regarde comme ça ;
   j'ai tellement envie de choses à te reprocher, tellement de raisons de t'aimer tellement envie
  que tu restes dans ma vie

   comme de l'encre sous ma peau
Comme tu m'ancres
Dans ton monde
À chaque fois que tu me balbuties que tu m'aimes
À chaque fois que je me mange tes problèmes
À chaque fois que
Tu
Ta bats
Contre
Mes je t'aime

Loin
Sont tes élans
De vigueur,
De surcroit - de splendeur.
Loin :
Sont
       Les émois
                         De la douceur
De mon coeur.

Loin sont
Les dires
Que je chuchotte dans mes rires

Près de mon âme
Sont les les vivres
Que tu respires

Véritables amimaux qui traversent mon âme
Comme un élan des steppes qui s'arnache à mes blâmes.

Vastes plaines de m'écoeures
Que tu assoupis,
Dans un désir à tes ordres en moi accomplis

Coeur caresse les cymables des
À morts à venir
Que tu crisses les valves des vides à complir.

Viens,
Bête de scène
Petite bête de foire
Viens,
Petite veine,

Petite belle d'armoire.

Jolies choses à complir,
Joyeuses choses à combler

Dis moi : si c'est toi : qu'il fait compléter,
Contempler

Puzzle de ma vie

Cheches à me combler .

12 octobre 2018

Ta délicatesse.

  C'est ainsi. Chaque endroit où je passe, où je me promène, où je m'endors, où je me marre, je pense t'y emmener avec moi, très vite, pour qu'on le fasse à deux. J'ai repéré un restaurant coréen en face de la grande mosquée de Paris où je voudrais t'inviter à déjeuner ; je pensais t'embrasser niaisement devant le mur des je t'aime aux Abbesses il y a quelques jours, et ensuite manger des œufs cocotte au foie gras en te faisant du pied sous la table au Potager de Thierry. Je regrette légèrement ton absence à chaque balade dans un parc, à chaque découverte d'une exposition, à chaque attente du métro, à chacune de mes respirations. Tu es revenu il y a moins d'une semaine et je me sens si peu rassasiée de ta présence que si l'on avait pu passer chaque nuit ensemble depuis ton retour je n'en serais pas plus satisfaite. Détrompe-toi, ce n'est pas un manque pesant et triste que je ressens, c'est autre chose. Ce n'est pas un vide, c'est une envie d'être comblée, plus encore, par ta présence, par tes caresses, par tes regards qui glissent sur mes tempes et mes épaules comme une douche brûlante en plein mois d'hiver. Tu me mijotes d’allégresse lorsque tu me côtoies, tu me rends ronde et douce, je me sens comme une boule de glace à la vanille, complètement lovée dans sa coupe. Et je vis comme un petit déchirement de la moelle de mon coeur à chaque fois que tu me soupçonnes de t'oublier, ou lorsque tu me dis ces choses futiles qui me font comprendre que je t'offense.
   J'ai chaque jour un petit peu plus conscience de la force immense qui nous lie, qui nous tisse à chaque moment que nous passons ensemble, mais aussi à chaque instant où nous sommes séparés. Broder ma vie avec des fils composés de moments passés ensemble me semble être un chaleureux habit que je pourrais mettre durant de longues années. Je te laisse glisser sur ma peau, et m'abriter de la vacuité du monde. Enroulons-nous, longtemps, ensemble. 

06 octobre 2018

La délicatesse.

   Il lui demanda ce qu’elle voulait boire. Son choix serait déterminant. Il pensa: si elle commande un déca, je me lève et je m’en vais. On n’avait pas le droit de boire un déca à ce genre de rendez-vous. C’est la boisson la moins conviviale qui soit. Un thé, ce n’est guère mieux. À peine rencontrés et déjà s’installe une sorte de cocon un peu mou. On sent qu’on va passer des dimanches après-midi à regarder la télévision. Ou pire: chez les beaux-parents. Oui, le thé c’est incontestablement une ambiance de belle-famille. Alors quoi? De l’alcool? Non, ce n’est pas bien à cette heure-ci. On pourrait avoir peur d’une femme qui se met à boire comme ça, d’un coup. Même un verre de vin rouge ne passerait pas. François continuait d’attendre qu’elle choisisse ce qu’elle allait boire, et il poursuivait ainsi son analyse liquide de la première impression féminine. Que restait-il maintenant? Le Coca-Cola ou tout autre type de soda… Non, pas possible, cela ne faisait pas du tout femme. Autant demander une paille aussi, tant qu’elle y était. Finalement, il se dit qu’un jus, ce serait bien. Oui un jus, c’est sympathique. C’est convivial et pas trop agressif. On sent la fille douce et équilibrée. Mais quel jus? Mieux vaut esquiver les grands classiques: évitons la pomme ou l’orange, trop vu. Il faut être un tout petit peu original, sans toutefois être excentrique. La papaye ou la goyave, ça fait peur. Non, le mieux c’est de choisir un entre-deux, comme l’abricot. Voilà, c’est ça. Le jus d’abricot, c’est parfait. Si elle choisit ça, je l’épouse, pensa François. À cet instant précis, Nathalie releva la tête de la carte, comme si elle revenait d’une longue réflexion. La même réflexion que venait de mener l’inconnu face à elle.
   « Je vais prendre un jus…
   —…?
   Un jus d’abricot, je crois. »

   Si elle avait accepté d'aller s'asseoir avec cet inconnu, c'est qu'elle était tombée sous le charme. Immédiatement, elle avait aimé ce mélange de maladresse et d'évidence, une attitude perdue entre Pierre Richard et Marlon Bardo. Physiquement, il avait quelque chose qu'elle appréciait chez les hommes : un léger strabisme. Très léger et pourtant visible. Oui, c'était étonnant de retrouver ce détail chez lui. Et puis il s'appelait François. Elle avait toujours aimé ce prénom. C'était élégant et calme comme l'idée qu'elle se faisait des années 50.

David Foenkinos, La Délicatesse.