Il y a des fois t’y peux rien, parfois ça ne s’avale pas, ça s’agglutine et s’accumule dans tes côtes ton entrejambe et tes poumons telle la poussière de sable qui grince entre tes dents et tes pages de bouquin lorsque l’été passe derrière le rideau des mois aux courants d’air, les « bre » sur le bout de la langue, et toi, ta langue gonflée qui te fait mal et qui est moite, qui boite, qui ne sait plus dire ce que tu as envisagé de beau pour ces prochaines semaines, pour l’hiver venant, pour le reste de cette vie.
Les doigts roucoulant sur le clavier à s’exprimer à des dizaine d’adresses ajourées d’un « a » en tourbillon ne font que s’enkyster de peines, de crampes, aboyant sur le plastique des touches des « cordialement » trop bien écrits.
J’avais le courage, il y a encore quelques jours d’écrire des milliers de lettres, d’apprendre les alphabets de toutes les langues, d’user ma collection de stylos plumes. Je suis déplumée, désormais, je suis vide, je suis molle, je suis suintante, rugueuse et acerbe même lorsque tes mains me touchent avec leur douceur infinie. Mes yeux s’embuent à chaque instant et cela me fait terriblement mal de savoir que demain encore je devrai me rabibocher avec le métro, avec mon micro-ondes, avec les nouveaux stagiaires.
J’ai le sentiment que du lundi au dimanche la vie se visse en moi comme dans un pas de vis sans fin. Je suis lacérée par les « di » de tous les jours de la semaine, par le réveil qui sonne chaque matin en m’arrachant à la chaleur de ton dos, et même, déjà, par les mois de vide qui vont arriver et engloutir toutes les bribes de confiance que j’ai accumulées vingt derniers mois entre mes mèches de cheveux.
Même eux, je les perds, par poignées.
Je suis chauve, échevelée de fatigue, vidée de la beauté du monde
Et ma langue, je pourrais l’avaler avec mes peines que j’en aurais pas le ventre moins lourd.