31 mars 2018

Lucy & Cie

Est-ce qu'il y a assez d'amour
Ce soir
Sur terre
Pour combler mon coeur ?

29 mars 2018

Odaklem.

   (Je me suis coupée les ongles) (je me suis lavée) Tout va bien.
   De jeunes filles riaent dans le métro, l'homme en noir assis à ma gauche un peu moins : "Putain ! Il fait froid ! ...faire fout' !" Gestes brusques et disruptifs.

   Mes moments de vie sont de moins en moins construits de didascalies et emplis de plus en plus de vivres.

   "Hé ! Reste bien comme ça hein. Signe de croix. Reste bien comme ça hein. Signe de croix."

   Foulard fushia sur le front, voix suave, rauque et un brin aigrie. Trente-six ans je dirais.
   Il reste comme ça, hein. Dans la même position depuis que je sois rentrée dans le métro.

   Campo Formio.

   Je descends.

   Les autres gens mettent un pied devant l'autre bien mieux que moi. Les portiques du métro s'ouvrent quand même à mon approche. Le feu vert est au rendez-vous ; je ne regarde pas trop devant car il n'y a rien à voir. Rien avoir avec ce que j'ai vécu  : je me rassure. Je ne suis pas plus saoul que les 24 dernières années.
   Il n'y a que la sérénité qui remplit autant la panse et qui fait marcher aussi droit, aussi assurément.
   J'assure ce soir : je me rassure. Je ne suis pas plus saoul ce soir que ce matin.


   Je suis dans mon lit desormais. Il n'y a rien. Il n'y a rien entre moi et le monde, il n'y a que la fenêtre entre moi et le réverbère, il n'y aura rien d'autre que la fatigue entre moi et elle et la pinte demain soir.
  
  
   Je me couche : je suis couchée. Allongée de tout mon long sur le clic-clac.
Je voudrais me laver, je voudrais me couper les ongles, je voudrais dormir.
   Je voudrais aller à Marseille.

   Je peux faire toutes ces choses.
   Mille fois.
   Par amour.

Pour moi.

25 mars 2018

Acuités

   Rien que le fait de dire : je vais aller me promener en ville.
   Je marchais à pas lents, en posant les plantes de mes pieds doucement dans mes semelles à chaque enjambée, pour que le caoutchouc de mes chaussures atteigne le sol par le contact le plus doux possible. Je regardais où me menaient ces pas avec sérénité. J'ai atterri dans chacune des boutiques que j'aimais le plus dans mon adolescence. Dans chacune d'elles j'ai toujours voulu entrer à chaque sortie citadine pour m'y acheter mille belles et onéreuses futilités. Le grand magasin de cartes postales vendant des milliers de cartons colorés format A6, la pharmacie verte aux porcelaines et aux bocaux de médecine sur les étagères, la boutique Mango claire et spacieuse sur deux étages, les cinq étages du Gibert Joseph replis de bribes de culture, le magasin de jouets qui s'étend tel un intestin grêle garni d'automates colorés et farces et attrapes, le salon de thé vintage et luxueux à la musique ancienne, la Nef et ses alcôves d'artistes remplies de porcelaines volatiles.
   J'ai acheté des escalopes de poulet pour aller manger chez Lola, un stylo pour écrire l'alphabet russe, quatre CDs de variété française, deux chocolats chauds à l'ancienne. Des heures et des heures de ce samedi ont été consacrées à expérimenter les douceurs de cette ville que je fréquentais si souvent auparavant. J'y ai pris tant de plaisir que j'ai eu l'impression d'être en vacances. De vouloir y aller en vacances.

* * *

   Cela s'accentue depuis deux ou trois mois, j'ai l'impression : l'envie de rire plus fort, l'ivresse, l'énergie, les saveurs dans ma bouche, la couleur dans mes cheveux. Je voudrais m'habiller de manière plus belle, m'acheter des choses qui me font plaisir, lire des livres qui me racontent des histoires d'une belle manière, de regarder des films dont le cadrage et la gamme colorée évoquent en moi un sentiment de béatitude. Je voudrais voir les personnes que je trouve belles lorsqu'elles parlent et qu'elles me parlent, je suis en quête perpétuelle de beauté, de toute la beauté du monde.
   Acuité émotionelle, acuité culturelle, acuité esthétique. Je voudrais que la douleur, qui me hante quotidiennement dans le crâne, entre mes jambes, se dissolve dans les pixels qui composent mon champ visuel, dans les notes qui font partie du timbre de ta voix, dans les miliers de secondes que je passe à sentir la beauté qui émane de tout ce qui existe lorsque je l'ai souhaité.

22 mars 2018

Parquet de bal

Et je te chuchotte je t'aime
Lorsqu'à chaque expiration
Tu enveloppes mes orteils
D'une blanche dentelle de sel

Et je te ris au vent
Quand tu balances à mes pieds
Mille débris de coquillages

Et je te respire
Car ta grandeur m'englobe

Plus fort que je souris.

15 mars 2018

Craquelure

Il y a un tout petit quelque chose qui frotte. C'est peut être l'horoscope, la fin d'hiver, le manque de chair, le découvert, ou les hormones qui s'effritent au point de se glisser entre mes dents du bonheur. Je peste seule, je serre les poings, le coeur me serre. A peine je digère cet enchainement de soirs et de réveils austères. J'ai envie de plantes, de soirées roses et étoilées, de saumon frais et de vitamine C.

Il y a un petit quelque chose qui grince
Entre mes maxilaires, entre mes ongles,
Entre mes jambes, sous ma tignasse je transpire froid, je suis moite quand je devrais encore brûler vive
Vivement que les journées s'étirent, que je puisse reprendre mes pensées sur voûtes sur croisée d'ogive, mon rythme deshaleiné, ma soif à sans cesse désaltéter.

Il y a quelque chose qui se serre
Dans ma poitrine
La cuisine est jaune pâle
Les rêves sont lourds et flasques
Et j'écrabouille les flaques de mes godasses
Sans telle envie le matin que lorsqu'on n'assaisonnait pas mon âme
Je crisse les minutes comme des spaghettis secs
Je mange comme on mange des épinards en boite
Je boite
Alors même que mon pied me fait moins mal

Aurais-je une épine coincée entre les omoplates ?

13 mars 2018

Encore maintenant.

   Parfois ça revient, encore.
   Je dis toujours "cet été". C'était il y a il y a près de six mois maintenant. Ça revient quand je me sens bien, ça revient souvent... Je me dis que je vais demander quelques nouvelles, raconter quelques bribes de ma vie, des trucs chouettes. Je parle des amours, du travail, de notre vie, comme s'il s'agissait de s'informer sur quelques points essentiels pour cocher la case "souvenirs canadiens mis à jour".
  En fait c'est plus compliqué que ça. Ça revient dans les discussions avec ma mère comme une évidence pour le futur. Ça revient quand je me rends compte que C. va partir là bas dans moins d'un mois. Ça revient quand dans mon fil d'actualité des réseaux sociaux je vois les festivals, les photos, les articles, les expos. C'est même là tous les jours, quand, chaque matin je regarde la météo est qu'au lieu de Paris c'est celle de Montréal qui s'affiche. Il y a toujours des chansons que je ne peux pas écouter sans devoir me mordre l'intérieur des joues pour ne pas pleurer. Pleurer comme je l'ai fait dans la voiture, le 16 septembre, qui m'emmenait à YUL.
   J'ai parfois une folle envie de vos baisers, de vos burgers, de mangues juteuses, d'attendre sagement au feu rouge avant de traverser, de balader un gros chien noir, de rentrer en titubant du Nacho Libre, de me casser la gueule en longboard, de bronzer dans les parcs en maillot de bain, d'acheter des caisses de Belle Gueule, de se plaindre de l'absence de fromage, de rouler sur les grands boulevards en 4x4 en écoutant Fatal Bazooka, de frôler les immeubles en brique rouge, de me sentir bien, et belle, et libre et ivre. 

08 mars 2018

Ça

   J'ai tendance à l'oublier : ça ; le bien-être, le bonheur. Il est là, comme vous ; il est là : c'est vous, c'est ces gens avec qui on remplit son agenda, avec qui on parle d'amour dès le premier coup d'oeil avec qui on baise intellectuellement, avec qui on s'échappe du réveil de ce matin. Avec qui on s'entretient pour le lendemain soir. Je m'entretient, avec vos quat'yeux avec vos mille rires avec vos beaux sourires avec l'écoulement de la vie dans les veines et les pintes de bières. Avec avrc avec les lendemains les frustrations les peines le froid la voix off du métro les voix douces dans ma tête ta voix douce dans mes yeux tes yeux dans mes tympans
Mes clefs dans mes oreilles pour me rappeler que demain c'est pareil que ce soir il est minuit qu'il est minuit partout dans med cellules dans mon corps dans mon coeur entre mes orteils
Et que rien
Ni personne
Pourra changer
Le fait qu'il soit minuit, qu'il soit si tard dans mon coeur et que demain
Je brillerai encore

Jusqu'à la fin des temps.