Le monothéisme doit concilier deux thèses fondamentales :
- Dieu est le créateur du monde (création ex nihilo, c'est à dire à partir de rien) ;
- Dieu est infiniment infini, il ne saurait ressembler aux hommes, tout anthropomorphisme doit être exclu. Prêter à Dieu des formes, des pensées, des attitudes, des comportements humains, c'est le propre des religions païennes.
Or l'idée de création n'est-elle pas justement un résidu d'anthropomorphisme ? N'est-ce pas imaginer Dieu sous le modèle d'un artisan "qui met la main à la pâte" ? Beaucoup de philosophes "païens", adversaires des chrétiens, le pensaient...
La création marque une coupure entre Dieu et Dieu, un avant et un après incompatible avec sa perfection, puisque l'être parfait ne peu changer.
Le problème devient plus aigu si l'on tient compte de la différence entre immortalité et éternité. Les dieux grecs sont immortels : ils ne meurent pas mais ils sont soumis au temps comme l'univers. En ce sens, ils peuvent accompagner les trajectoires éphémères des créatures mortelles. Mais l'éternité n'est pas un temps infini, c'est un au-delà du temps. Est éternel l'être qui n'est pas soumis au temps, car le temps divise l'être en lui-même.
Mais si Dieu est éternel, comment expliquer qu'un contact soit possible entre lui et l'homme ? Par exemple, Sait Augustin, en écrivant ses Confessions , bâtit une vaste prière. Il se souvient de son enfance, de sa jeunesse, de ses errances et erreurs. C'est un cheminement dans la mémoire, donc dans le temps : comment ce qui demande du temps peut-il toucher Celui qui, par définition, est hors du temps ? La seule solution serait de faire du temps une réalité créée par Dieu, en même temps que la création. Alors, la question même de l'avant-la-création disparaît.
Explication du livre XI des Confessions de saint Augustin.