Un peu de sommeil me court après... Je me souviens de Julie : un
marinière pâle sur le épaules, les cuisses à l'air, un gobelet alcoolisé
à la main, les yeux bleus, pétillants comme les étoiles. Elle me
manque, tout comme les autres. La neige dehors, sur les arbres, les
voisins casse-couille, la fluidité avec laquelle la fumée grisâtre
enrobe la pièce et imprègne les vêtements. Camille qui fume clope sur
clope, Logan - son accent, son anniversaire, les baisers doux -, Clara
et son beau dos nu, Pilou agglutiné à sa Wii et Christo qui dort dans le
fauteuil spacieux mais si inconfortable du salon. Il y a des prénoms
qui me sortent par les pores, je les vois s'écrire doucement sous mes
paupières quand je ferme les yeux. Nous sommes en hiver; en regardant
par le balcon il n'y a que le blanc qui se propage à perte de vue mais
je sors dehors en collants et débardeur et je n'ai pas froid. Parce que
quand je rentre, ils m'attendent un petit peu à l'intérieur. Mon Jude
amour est là aussi. C'est peut être ridicule de croire que ça aurait pu
être un échec mais le fait qu'il soit là, parmi ces gens m'étonne. Comme
si les deux plus beaux plaisirs du monde - amis, amour - ne pouvaient
se mélanger. Il suffisait d'une crémaillère, d'une simple invitation qui
se perpétue. La conjugaison en devient enfantine. Tout s'embrouille, se
dilate, s'estompe et s'enfuit. C'est déjà dans le train que je me
rappelle de la veille. De quelle veille s'agit-il lorsque les nuits sont
blanches et les journées grises ? Léo, lui, a dormi comme un mort, avec
sa soupe collée à sa chemise, mais nous, avons-nous seulement songé à
fermer les yeux, un instant ? Cinq heures cinquante trois : la nuit ne
veut même pas encore finir alors que nous nous embraquons déjà dans le
métro : Place d'Italie, Bercy et compagnie. Et dire qu'il y a huit
heures nous étions en train d'acheter du whisky au Monoprix des
Champs-Élysées...
Il ne reste que des photos, quelque 663 malheureuses photographies de nos visages agonisants sous les effets de l'alcool. Il y a écrit "nous sommes heureux" sur nos lèvres, il y a gravé "nous sommes éternels" dans nos cœurs.
Il ne reste que des photos, quelque 663 malheureuses photographies de nos visages agonisants sous les effets de l'alcool. Il y a écrit "nous sommes heureux" sur nos lèvres, il y a gravé "nous sommes éternels" dans nos cœurs.