J'ai un rat, un écarteur, quinze autres trous un peu partout sur la
tête - majoritairement autour de la clôture des tympans. J'ai les doigts
gras car je mange avec les mains : des ailes de poulet toutes faites
Casino gisent sur mon assiette jaune, encerclant une pauvre tranche de
tomate tiède et salée : dégueulasse. Il y a le deuxième tome des
Mémoires de Guerre de De Gaulle dans mon sac - sac à 115€ en faux cuir
que j'ai appelé Jimmy car il est tellement encombrant que j'ai
l'impression que c'est un être humain que je pote à l'épaule quand je
sors avec lui - qu'il faut que je finisse vite car je dois terminer le
troisième tome pour mercredi. C'est marrant, j'ai six cent pages à lire,
c'est à dire plus de 24000 lignes, et au lieu de ça je m'amuse à en
taper d'autres, des inutiles, que dix personnes liront sans intérêt et
oublieront dix minutes plus tard. Je ferais mieux d'écrire mon livre, il
ne fait que six pages depuis un an et demi mais a plus de sens que le
diner solitaire que je vous raconte. Je jubile à chaque notification
Facebook : oh oui ! c'est si chouette de voir ses amis virtuels
commenter des photos de gens virtuels... Je veux du rhum, une chicha, un
baiser, du temps à moi, un énième jour férié et - comme dirait Thomas
Roessle - un bonne grosse pipe.