15 décembre 2015

Odoratte.

   Aucune odeur ne me rapelle tant l'école élementaire que celle du diclofénac. Je me souviens des grands tapis de gymnastique en poil épais de couleur beige qui brulaient les pieds au moindre frottement un peu brusque, la ligne bleue qui en délimitait la bordure et dont le franchissement était le symbole le plus imposant de l'échec. J'entends encore le bruit des élastiaues des demi pointes qui claquent sur les talons, les détestés et pourtant si regrettés aujourdui cours de danse classique derrière le lourd rideau qu'on repoussait honteusemrnt lorsqu'on était en retard. Je me rapelle des gradins, sur lesquels on ne songeait même pas à s'asseoir mais qu'on utilisait pour faire le grand écart sur fond de brouaha des voix criarde de Severine, cassé de Dany, douce d'Erika. Cette salle est remplie pour moi d'un souvenir liquide dans lequel mon corps s'est mouvé pendant cinq années, manipulant maladroitement mais avec ardeur des objets qui une fois dans nos mains nous ornaient de grâce et de limpidité. J'étais consciente de mon corps qui m'échappait parfois en sortant de ses propres limites, en allant se courber impossiblement ou s'animer frénétiquement sur une musiqie ou des encouragements insistants. Je me souviens avoir passé ces années-là sur la poite des pieds, pour me grandir, me surélever, m'emporter. Cela fait un an et demi que je repense régulièrement à ces journées là, depuis que mon gros orteil ne peut se plier convenablement et que j'ai perdu tout équilibre et toute possibilité d'élancer mon corps librement dans des mouvements de force et de liberté. Et l'odeur du diclofénac n'y remédiera sans doute pas vraiment.