23 avril 2014

l'amour est dans le près.
et nous sommes loin

Porto.

   Porto est une belle ville en crise, un gâteau avec mille pointes de crème multicolores qui s'épanchent vers le Douro. La belle vue pâle d'ensoleillement sur le fleuve n'est pas sacralisée : les immeubles qui donnent dessus sont écaillés, leurs vitres sont cassées, et la plupart des fenêtres se voilent de linge propre : culottes en dentelles et autres draps de lit d'un blanc immaculé. Les vieux habitants - de larges dames parées d'antiques chapeaux de paille - aiment bien regarder par la fenêtre, voir peut-être ce qu'ils ont raté durant le reste de leur vie, et ce que ne manquent pas d'observer les quelques rares touristes qui décident de venir dans la région. Ce sont les chorales marines de mouettes se reposant sur les croix de pierre des innombrables façades d'églises baroques recouvertes d'azulejos. Ce sont les femmes aux cheveux noirs, longs et épais comme du crin de cheval. C'est l'odeur du porto qui émane des bistrots de la Ribeira. C'est l'ambiance du quotidien.

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   Les panneaux "vende-se" sur les immeubles vides ne se remarquent même plus. Il n'y a pas grand monde dans les boutiques, à part quelques familles espagnoles venues passer une semaine de congés. Une dorade poilée servie avec salade et frites à 3€50 est un plat peu accessible à ceux qui habitent en face du restaurant. Leur café est le meilleur que j'ai jamais goûté. Les statues de bois doré s'écaillent dans les églises où de jeunes filles balaient le sol pendant que les touristes prennent des photos. Il n'y a pas une seule rue plate dans le centre ville tant et si bien que leur métro, s'il allait plus vite, pourrait rivaliser avec les montagnes russes. A vingt minutes des rues marchandes, on rencontre de grands terrains vagues avec d'immenses potagers près des arrêts de bus, les rues sont sèches et les commerces minuscules. Le kilo d'oranges est à 39 centimes.

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   Les portugais ne sourient pas. Ne font pas attention aux touristes. Mais ils sont polis et honnêtes. C'est peut être pour ça que ça a été le premier pays en crise en Europe... Parce que les trois boulangères d'une boulangerie peuvent faire poireauter des clients parce que l'une parle au téléphone, l'autre remue un thé et la troisième discute avec un autre client. En quatre jours, et des dizaines de kilomètres de marche dans plusieurs quartiers de la ville, on n'a pas vu un seul habitants qui presse le pas. Ca change du métro parisien.