23 juin 2013

vers Nemours.

   C'est à la fois dingue et difficile, le retour chez soi. On se rend compte que la vie est rose. Mais seulement quelques week-ends par an. On construit un bonheur donc les murs sont de la musique, la nourriture de la chimie, et le fonctionnement la communauté. C'est intense. Tout le monde est beau, laid, gentil, méchant, gros petit, loin, près, ivre, drogué, incontrôlable, déréglé, uni.
   Et le lendemain soir, on se reloge dans nos murs de plâtre, parfois seul. Mais toujours seul dans sa tête. Seul face à une évidence trop grosse pour être imaginer : notre vie devrait fonctionner à l'envers.
   Les problèmes et l'absurdité du quotidien. Le plus douloureux. Notre petit vie cyclique se répétant monotonement tous les sept jours. La triste évidence de nos situations : en couple, célibataire, parent ; étudiant, travailleur, chômeur ; riche, pauvre ; blond, brun, roux ; doué en dessin, nul en musique, expert en ethnologie de la France rurale, que sais-je encore... : juste fade. Et cette sensation d'avoir l'estomac tel un abricot desséché, cette faiblesse, ce début de mal de gorge, les oreilles qui grésillent et cette fièvre. Envie d'être avec quelqu'un, n'importe qui, pourvu qu'il nous fasse penser à autre chose que notre vie, pitié. Car on est trop faible, trop soumis, trop lâche pour une remise en question. Pas parce que c'est mieux de ne pas dormir la nuit et de danser jusqu'au petit soir du lendemain en se droguant avec ses amis. Non. Parce qu'on ne croit pas à notre liberté. Parce qu'on s'enchaîne et ça s'enchaîne du matin jusques au soir, et de l'enfance jusqu'au lit de mort. Parce qu'on se construit une prison avant même d'aller à l'école. ¨Parce que... "société"...
   Moi, je hais les gens, j'ai peur des gens, je m'en fous des gens. On s'échappe comme on peut, nous, pauvres petits avortons de la technologie, du bitume et du bruit de perceuse en guise de berceuse.
   C'est juste quelque chose d'autre. Mais quelque chose d'autre qui ne se casse pas la gueule, qui est "ensemble". Comme ces casse-tête 3D en bois, qu'il est horriblement difficile à réaliser mais une fois fait on ne sait même plus comment les défaire. On s'est cassé la tête pour trouver un autre moyen de nous casser la tête. Mais ça casse la tête, une fois le moment de l’ébullition terminé. On redevient de la vapeur d'eau qui se colle aux plafonds, sur les nuages et dans les égouts. Nous redevenons des petits rats d'égout. Nous redevenons hommes, animaux sociaux. Mais pendant quelques heures, dans une petite utopie, nous étions des sauvages. La nature, la liberté reprend ses droits sur nous, nos corps et nos âmes. Et en rentrant le soir on ne l'oublie pas. On n'en devient que plus agressif de finir d'être sauvages.

   Mais ça fait vivre. Ça fait vivre mieux que n'importe quel optimisme, cette malheureuse petite rétrospective du dimanche soir. La vérité, la notre, vaut bien ce malheur.