25 octobre 2012

Sarah.

   Sarah. 26 ans. Cash. Un dégradé d'automne dans ses yeux. Un je-m'enfoutisme soigné, un look no-style, une énergie sagement contenue. Un beau mélange : elle parle sincèrement, elle s'indigne gentiment, elle raconte tout sans parler de rien. Elle parait vivre comme je devrais le faire. Voilà que la sontanéité prend un sens pour moi : ce serait quelque chose comme elle : naturel, vivace, frais. Comme le temps qu'il fait à Paris, en ce moment. Il fait beau pour la dernière fois de l'année. Mais elle, Sarah, restera belle et pétillante encore un bon bout de temps. Master-chômage, labrador-potager, coloc-soirées vin. Cela donne envie de se faufiler un peu plus dans ses baskets.

23 octobre 2012

18ème.

   Belle époque. Terrasse, clopes, mojitos : un accompagnement parafait pour réviser ses cours au coeur du 18ème. Le PC n'a plus de batterie, alors on lit un récit de Jules Verne, et les seules choses qui nous déconcentrent sont les quelques tremblements de froid. Tout autour, les voisins de tavble parlent anglais, espagnol, allemand, du coup on n'est pas déconcentrés par leurs histoires à deux balles. De belles filles en talons aiguilles attirent de temps en temps le regard. Seul souci, le prix: 15€ les deux mojitos. mais on est à Paris, il fait bon, et il faut fuit les quatre murs de la rue Feutrier pour vivre.

   Belel époque. Une période qui joue au fumambule sur le fin fil tendu entre l'hiver et l'automne. C'est notre entre-deux-guerres, notre été indien attardé, nos derniers beaux jours. Je dis "notre", maintenant... J'ai commencé à prendre conscience que je vais vivre quelques temps à Paris, et qu'il faut transformer ces années en belles années. Je veux bien jouer le jeu, si la drogue n'est pas très chère, et la musique très bonne.

22 octobre 2012

Chaïm Soutine.

 Boeuf écorché, 1925, Huile sur toile, Musée de Grenoble

Le village, Huile sur toile, Musée de l'Orangerie

La cathédrale de Chartres
 
 Arbre dans le vent, vers 1939, Huile sur toile, collection particulière



L'élégance du hérisson.

Tu me manques bien assez pour que je te recouvre de tendres baisers toute une nuit entière.

18 octobre 2012

Deux coups d'oeil.

  Cet homme devait s'appeler Rapahael (ou Didier). Lunettes fines, noires, la cinquantaine. Sec. Fin. Sévère et doux à la fois. Et réservé. Des rides et des crevasses peuplaient discrètement son visage parsemé d'une barbe de la veille plus salée que poivrée. Il avait un ai extrêmement grave et attristé. Il enveloppait de ses doigts propres et virils les mains de sa compagne qui regardait lassement par la fenêtre. Était-ce leur dernière entrevue ? Était-ce leur énième dispute ? Était-ce une soirée comme les autres ?
   Il avait l'expression d'un enseignant-chercheur fatigué par ses élèves, ses longues lectures et las de son bureau gris. Ses sourcils écrivaient nettement sur son front : « je voudrais vivre un peu plus ». Il dut avoir une jeunesse banale, une enfance paisible, des chagrins d'amour fades, des nuits calmes, des soirées propres. Peut-être que sa mère était morte il y a deux ou trois ans, peut être que son père avait un début d’Alzheimer et devait être placé en maison de retraite. Il devait être enfant unique, peut être grand demi frère d'une jeune femme d'une vingtaine d'années sa cadette. Il n'aurait rien eu à voir avec elle. Il allait au cinéma, seul, environ une fois par mois et racontait d'un air passionné les résumes de films qu'il a vus, qui l'étaient moins. Peut-être avait-il fait du piano, mais il a sans doute arrêté il y a quelques années, lors de sa crise de la quarantaine arrivée avec bien du retard. Elle ne l'avait pas bouleversé. Juste pris un coup de vieux. Juste son cerveau qui s'est un peu illuminé de cet éclat un peu terne qui précède la vieillesse et envoie des signaux d'alerte à tout l'être : « vis,vis, tu as passé plus de la moitié de ta vie à tout faire comme il faut ce qui revient à ne rien faire du tout. Alors prends la main de cette chinoise et baise la ce soir, fais lui l'amour tendrement comme pour la première et la dernière fois. Dis lui je t'aime. Dis toi que c'est la première et la dernière fois. Vis cette nuit tout ce que tu n'as pas vécu durant tes cinquante années, au moins avec ton sexe. Et comme ça, quand demain tu te feras percuter par une voiture au premier croisement en sortant de chez toi pour aller travailler, sur la couchette de l'ambulance, qui n'arrivera pas à te ramener vivant à l'hôpital, tu te diras paisiblement : "heureusement que je n'ai pas dormi cette nuit". »

10 octobre 2012

Mont Duplan.

   Nous sommes une quinzaine, sous la lumière rasante des lampadaires mal réglés du Mont Duplan. Nous sommes fous de rire, ou fous de pensées. Et pleins d'alcool. 
   Boris ne se tait pas une seconde et me fait mal au ventre avec ses blagues, Ben taggue des chaussures, empile des canettes, ne peut s'empêcher de sortir une blague salace toutes les deux phrases. Baloo a l'air de bouder dans son coin... Jack et Louna se courent après comme dans les dessins animés, Bulle peine à les suivre. Marine ets méchante, très méchante, et Alice a le moral dans les chaussettes. Yéyé ressemble à un véritable petit punk à chien avec sa crête et ses rangers. Godich et Laure discutent entre eux, à voix basse. Thomas, comme d'habitude, avec son sourire béat si familier dans ce genre de soirées ne dit rien, ne bronche pas quand on se moque de lui, il est encore habillé en rouge, toujours habillé en rouge. Gourou rit de bon coeur en discutant un peu avec tout le monde, et Joachim enchaine les verres de whisky et les délires enfantins. Nico, lui, est à côté de moi, il se tait, il se tait souvent en soirée...

   C'est dingue ce qu'on fout rien, ce qu'on perd notre temps et ce qu'on dégrade notre santé, mais je n'y peux rien, avec vous, je mange du bonheur à la cuillère à soupe, et c'est plus bon que du caviar.

2A.

   Tous mes projets ont toujours fini à l'eau. Même les plus ingrats. Cette année, où j'étais sensée ne rien faire, ne rien faire et ne rien faire sera encore un dur labeur. Et pour cause : je passe en deuxième année. Oui, ils ont décidé ça, les professeurs, me foutre un peu plus de douze de moyenne, alors que je m'attendais, tranquille, pépére, à glandouiller toute la semaine sauf le mercredi aprem. Disons que c'est une bonne nouvelle... 

02 octobre 2012

   Un moustique passe nonchalament, de droite à gauche juste au-dessus de mon nez, alors qu'il est 14h38 et que la chambre est baignée d'une lumière jaune tournesol, avec toutes les nuances de miel, d'ocre et d'ébène qu'il faut. Les draps sont sales, l'odeur est lourde : c'est une odeur de tabac froid, pire : de cendrier froid, tiède, humide et débordant. C'est peut-être ça qui m'empêche de dormir. C'est peut-être le froid, mais le froid est dans ma tête car il s'estompe quand il vient me serrer dans mes bras pendant deux ou trois quarts d'heure à la pause midi, en fumant un pétard, torse nu, poussiéreux, fatigué de moi, de sa nuit blanche - à cause de moi - de sa vie peut-être (peut-être un peu aussi par ma faute). L'odeur de cendar, elle, elle était là même quand il est venu s'allonger. C'est donc elle qui joue à me rendre insomniaque. Ou peut-être que j'invente tout, que c'est une petite envie de lire quelque chose, quelque chose et quelqu'un qui me parle un peu, qui me blase un peu, qui me soutient un peu car c'est pareil que dans ma tête : des lignes d'une enfance exposée au vent, une enfance qui a quelque années de plus que la mienne : de la jeunesse quelconque, en somme.
   J'en oublie presque que demain je dois partir : là-bas. Pour aller regarder en face le tas de ferraille inventé par monsieur Eiffel, juste avant d'aller en cours. J'ai très mal aux chevilles, je n'ai pas envie de partir, et puis, je finirai bien par m'assoupir, même avec cette horrible odeur de mégots qui m'envahit la gorge de plus en plus. il faudrait que je songe à ranger cette chambre. Parce que ce sont ses ultimes jours, et que j'y dors et que peut-être je n'y dormirai plus déjà demain. Sauf si je refuse, encore, d'aller me perdre dans un wagon rempli de businessmen et de familles heureuses et mièvre pendant trois heures : tout cela pour autant d'heures de cours que je ne suivrai pas, que je ne comprendrai pas, où je n'irai pas. Il faut donc que je range cette chambre, coûte que coûte ("vaille que vaille"...). Peut-être que comme ça il verra que je m'en veux vraiment pour tout à l'heure, d'avoir égoïstement joué, sans le laisser dormir. Parce que je veux qu'il le sache, que je m'en veux. Que je lui en veux à lui, aussi, de ne rien dire... Et voilà, je finis par presque le dire : j'ai un dent contre lui pour son silence. Parce que sa belle gueule ne me dit rien. [...] Disons que ce sont les effluves de tabac qui m'égarent ; et le sommeil ; et mon insouciance ; et son silence. Et encore, et encore, et encore, tout qui part en boucle. Comme de la fumée de cigarette.

   Le plus horrible, c'est d'être dans la chambre d'à côté du salon, où les gens ont tout ce qu'il faut, mais d'avoir la flemme d'aller chercher un pauvre briquet pour allumer sa clope, un pauvre petit bout de pain pour contrer l'hypoglycémie. C'est peut-être de la peur, peut-être... Foutaises, c'est de la connerie. Agoraphobie de mes deux, flemme endiablée. Je ne veux plus fumer ici, j'ai faim, je sortirai bien faire un petit tour, bouffer un bout dans un bistrot, faire ma riche et aller dans une brasserie toute seule... Mais je suis fatiguée, j'ai mal aux chevilles, je m'en veux pour je ne sais quoi, c'est trop insalubre ici, et puis j'en ai assez de me répéter sans cesse ce qui m'empêche de faire ce que je ne peux pas faire : tabac froid, égoïsme, fatigue, frousse, argent, etc. etc. etc.


   Les boucles étranges, elles me prennent la tête, c'est ridicule tout c'que j'me dis, je ferais mieux de réciter les trois p'tits chats par coeur, comme quand je ne sais plus quoi dire. L'acide s'amuse donc à me distordre un peu encore le cerveau, je vais finir par aimer ça...

01 octobre 2012

Il ne fait pas avoir un doctorat pour savoir cela.

   J'ai été celle à qui l'entrain a su fermer les yeux. J'ai cru pendant une éternité que les ambitions qu'on a peuvent se préserver jusqu'à la fin des temps. C'est la jeunesse qui a fait ça, celle qui est encore là, et celle qui restera encore dans mon corps pendant des années. J'ai appris qu'on grandit. Et que, même si cela parait invraisemblable parfois, nos idées, nos aspirations, nos désirs grandissent et changent aussi. Je crois que je commence à rêver, à apprivoiser mes rêves, à les contenir aussi ; j'essaie aussi de fixer des objectifs qui n'en sont pas issus car je me suis aperçue - peut-être un peu tard, mais mieux vaut tard que jamais - qu'une vie ne doit pas être une continuelle quête de nos désirs, et une perpétuelle réalisations de nos rêves : il y a des vides à combler, et, chose plaisante, on peut les remplir agréablement.
   Bien sûr, il y a mille barrières : la jalousie, l'envie de changements soudains, la colère, la flemme, les problèmes financiers, les autres... Mais je crois que j'ai compris qu'avec un peu d'entrain on peut mener une vie la plupart du sereine et réjouissante, en mettant à profit la moindre occasion, les moindres personnes, les moindres gestes.
   Je vais tenter d'aimer Paris.