06 mai 2011

Boulimie cardiaque.

   Mon pire cauchemar est assis au milieu de ma chambre ; de ses longs bras difformes, dont les coudes frôlent le sol et les murs, il resserre le corset invisible qui entoure ma poitrine, il noue les lacets qui l'attachent avec un grésillement sec : ce sont mes doigts qui tapotent le clavier à la recherche de n'importe quelle occupation, c'est la fièvre indolore, impalpable qui endolorit les yeux et fait trembler la bouche, c'est le vent inexistant qui glace la peau et soulève chaque poil comme un chef d'orchestre qui ordonne à ses musiciens-marionettes de jouer.
   Je ne respire plus normalement mais par soubresauts qui s'entrechoquent dans la cage thoracique, se bousculent et s'insultent : "jalouse !", "imbécile !", "terne !", "invivable !" se crient-ils mais ils n'ont pas d'oreilles alors ces mots attérissent dans les miennes, comme des avions qui franchissent le mur du son, brisant le silence qui parvenait tant bien que mal à faire tenir en équilibre les cils qui empêchaient les yeux se s'affaisser et de laisser la place à un torrent de faiblesse. Et goute à goute le monde s'écoule, le monde que je dessine sur les parois intérieures de mon crâne, dans l'espace vide entre le cerveau et l'os fin, un monde dessiné au pastel fade qui n'a jamais entièrement su accomplir son but qui consiste à donner envie à ma bouche de se grimacer en sourire, levant ses coins pour ressembler à un hamac de paresse où des baisers doux peuvent se balacer sans tomber dans les ravins creusés par le sel dans mes joues.

   C'est triste d'écrire ça, triste comme un paysage figé. Triste comme la nature qui ne sait plus où aller, triste comme le monde, le véritable monde que je ne saurais pas dessiner et qui me fait presque apprendre par coeur les choses que je devrais dire spontanément, demain.
   C'est parce que je suis triste et tétanisée à l'idée que demain pourrait se reproduire.
   (Après tout, c'est tout à fait normal)