21 avril 2011

Shehneze.

   Il y avait une fille assise en face de moi et de mon café. J'aurais aimé que ce soit un reflet du miroir : j'aurais aimé avoir ses cheveux, ses bras, sa grâce, ses yeux malicieux, son entrain. Elle fumait une cigarette toute fine que je lui avais déposé à coté de sa tasse qu'elle ne buvait pas, elle me racontait - non, elle me montrait avec ses mots - un spectacle de danse. Mais je crois que la danse, c'était elle. Ses lèvres qui bougeaient, ses doigts qui enlaçaient de temps à autres une allumette, ou la petite cuillère qui servait à mélanger le sucre, tout était mouvement de liberté, chorégraphie de la nature, chanson aux notes envoutantes.
   Elle toussait parfois, comme toussent les tuberculeux. Ce n'était rien mais j'avais un peu peur pour elle, j'avais peur que sa poitrine explose sur mon visage, que sa belle blouse se déchire et se tache de sang. C'est excessif tout ce que je ressentais, mais elle toussait comme une orgue lors des enterrements. C'était le pollen. Le petites ombrelles de poils s'élançant dans les airs des feuilles de platanes, comme des cascadeuses délurées qui avaient pour unique but d'atterrir sur sa chevelure, couleur coucher de soleil. Elle toussait de plus belle, et elle était mignonne.
   Peut-être, un jour, cet hiver, elle accouchera d'un platane. D'un bel arbre qui étirera ses branches comme un enfant au réveil, jusque dans le cieux.