29 janvier 2011

Une soirée au delà de l'enfer

   Je t'aurais tué d'un coup de veilleuse halogène mais il n'était que quatre heures trente cinq du matin. Le vinyle ne grésillait déjà plus depuis longtemps sous la pointe usée du saphir. Je voulais attendre que tu t'endormes mais tu mettais ton pull, ton manteau ; alors je t'ai demandé de rester alors que je voulais que tu partes. Le temps de te supplier de façon hypocrite, les minutes s'étaient écoulées à petites gouttes. Tu avais une écharpe autour du cou, et à chaque fois que je mettais mes bras sur tes épaules j'avais envie de t'étrangler avec ce bout de tissu. Quelle idée de porter une arme de ce genre sur soi... Tu étais beau et arrogant, tes cheveux et tes yeux étaient noirs sous la lumière de la lune. Tu ne voyais pas mon rictus qui disait tout le contraire de mes mots, alors, tu as cédé et tu es resté. Je voulais encore te tuer, toujours dans ton sommeil. Alors j'ai décidé qu'on se déshabillerait et qu'on baiserait sur le canapé crade du salon. Tu t'endors toujours après l'amour. Mais tu n'as pas voulu. D'habitude, c'est moi qui ne veut pas de tes mains, de tes lèvres visqueuses et de ta bite collés à moi, mais pour une fois, pour une dernière fois j'étais prête à le subir. Alors je t'ai encore supplié... C'était lent en long, douloureux et mécanique, comme un ordinateur surchargé qui n'arrive pas à s'allumer. Le réveil que je regardais sans cesse en imitant l'orgasme indiquait six heures, déjà. J'ai attendu que tu éjacules en moi, que ton sperme aille se loger à l'entrée de mon utérus, comme à chaque fois. Au moment où tu t'es retiré je pleurais sans raisons, ou bien parce que je voulais te faire disparaître au plus vite ou bien parce que je regrettais déjà ce que je voulais faire. J'étais fatiguée, tellement fatiguée que je t'ai laissé partir. Tu t'es levé alors que j'étais encore nue, tu t'es rhabillé, tu as mis ton chapeau et tu as ouvert la porte. Alors j'ai couru te dire au revoir, j'ai couru embrasser tes lèvres. Le sperme tiède me coulait sur les cuisses et les larmes, chaudes, elles, me sciaient les joues. Je t'aimais déjà à nouveau, par faiblesse.
   J'ai refermé la porte soulagée, en te disant à demain, et quelques secondes après j'ai entendu un grand fracas. J'ai réouvert. J'entendis alors la masse lourde de ton corps s'écraser quelque part au niveau du premier étage, tout comme lorsque, quelques minutes avant, elle s'écrasait sur mon corps. Tu étais mort à cause du paillasson qui était mis de travers et sur lequel tu as trébuché. C'était quelque chose que je n'aurais jamais pu prévoir.