16 octobre 2010

Crier je t'aime avec le sexe.

   Une soirée à deux avec Lucie, après la Taverne du Perroquet, le Circus et le Bec de Jazz on ne savait plus où aller, du coup pour rire j'ai proposé le Heaven, minuscule club gay à coté de la préfecture dont l'entrée est parsemée de travestis en perruque blonde et talons hauts ainsi que de garçons aux débardeur décolletés et aux voix nasillardes. Nous étions persuadées que c'était ouvert jusqu'à 2h et c'est en tirant la poignée de l'entrée que Lucie m'a montré du doigt l'inscription "18h - 1h". Mais je ne l'avais pas entendue. En ouvrant la porte il s'est planté devant moi, l'air étonné, me surplombant à cause de la marche, et a jeté son regard dans le mien. Nous nous sommes regardés une seconde; deux secondes; trois secondes; quatre, cinq, six secondes, jusqu'à ce que je me force à sourire. "Bonsoir, m'a-t-il dit, en tout cas je suis très ravi de t'avoir rencontré". Et il m'a fait la bise, ainsi qu'à Lucie. On a discuté cinq minutes tous les trois sur nos plans pour la soirée et nos prénoms respectifs, et je ne sais plus ce qu'il disait car de temps à autres nos yeux se rencontraient de nouveau et on se taisait dans ou sourire, et on oubliait de faire semblant de suivre une conversation. L'alchimie des regards qui se noient mutuellement anéantit la parole et la conscience. Il m'a prise par la taille pour me montrer le Baron Rouge à deux pas de là où on était. Il m'a dit qu'il serait là jeudi alors je lui ai dit à jeudi, tout simplement, comme si on se voyait toutes les semaines depuis dix ans. Il m'a filé sa carte de visite avec son téléphone dessus, un beau petit carré de carton glacé qui le présentait comme graphiste-illustrateur-web designer-conseiller en communication.
   Après l'avoir quitté, Lucie a dit : "il n'y a que toi pour trouver un hétéro à la sortie d'une boite gay et te faire draguer comme une porcasse"; j'ai explosé de rire.